Elizabeth Johnston Taylor

L’ENSEIGNEMENT DE SOINS INFIRMIERS SPIRITUELLEMENT SENSIBLES :

RECOMMANDATIONS POUR UNE APPROCHE ADVENTISTE ÉTHIQUE

Voilà presque un siècle et demi que les adventistes du septième jour offrent des soins de santé spirituellement sensibles aux malades et aux souffrants. La dispensation de soins de santé est pour nous une façon de prolonger la compassion de Jésus-Christ, de faire du bien aux autres tout en ayant la joie de servir Dieu. À la lumière de la compréhension adventiste que l’être humain est un tout, les soins promouvant le bien-être physique et psychologique doivent obligatoirement soutenir le bien-être spirituel. Ainsi, s’ajoutant aux multiples hôpitaux adventistes dans le monde entier -- mais aussi aux cliniques de jour, établissements de soins spécialisés, et agences de services de santé et de soins palliatifs – il y a encore des douzaines d’institutions éducatives formant des milliers d’étudiants prêts à fournir des soins de santé à la personne dans sa globalité.

Parmi ces institutions adventistes d’éducation supérieure, on compte 74 écoles adventistes de soins infirmiers. L’Europe et l’Australie en ont chacune deux, et les autres sont réparties dans toute l’Afrique, l’Asie, et l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale1. Ces écoles de soins infirmiers, influencées par le caractère distinctif adventiste, cherchent à préparer leurs diplômés pour qu’ils fournissent des soins infirmiers globaux au corps, au cœur et à l’esprit. Mais les adventistes ne sont pas les seuls dans cette situation – de nombreuses autres écoles de soins infirmiers chrétiennes enseignent à leurs élèves à dispenser des soins spirituellement sensibles. De plus, plusieurs programmes de soins infirmiers séculiers – du moins dans certains pays occidentaux de langue anglaise – ont inclus dans le contenu de leurs programmes les soins spirituels à cause de mandats professionnels.

Le but de cet article est de décrire brièvement comment les soins spirituels sont enseignés dans les écoles de soins infirmiers adventistes, et au dehors. Cette exploration conduit à des conclusions qui diffèrent de ce que de certains éducateurs en soins infirmiers adventistes présument. Les recommandations offertes pourront servir de guide aux enseignants et administrateurs des écoles de soins infirmiers adventistes alors qu’ils planifient leurs programmes et fournissent un enseignement en soins spirituels. Dans le but de mettre les choses dans leur contexte, nous allons commencer par revoir les objectifs des soins infirmiers en soins spirituels.

Les perspectives des soins infirmiers

Le travail de soigner, de prendre soin des malades en général, s’est souvent pratiqué dans un contexte religieux2. Dans les temps anciens, les soins aux malades étaient la responsabilité des gardiens du temple, et au Moyen Âge celui des ordres religieux. Plus récemment, ce sont des établissements de santé d’allégeance confessionnelle qui ont pris la relève. En fait, les infirmières et infirmiers embrassent cette profession souvent poussés par des motifs religieux ou spirituels3.

Ces racines religieuses jointes à d’autres motivations – réaction à des soins de plus en plus technologiques et médicalisés, désir d’élargir les limites de la profession, et augmentation de l’exploration sociétale de la spiritualité en relation avec le bien-être – peuvent avoir conduit la profession infirmière à considérer que les soins spirituels relèvent véritablement de sa compétence. Par contre, la justification habituellement offerte est que les soins spirituels sont indispensables pour des soins globaux4.

Peu importe les causes, la notion de soins spirituels offerts par les infirmiers est profondément ancrée dans la discipline, et ceci se manifeste de plusieurs manières. Le code du Conseil international des infirmières (CII 2012) stipule : « Alors qu’elle donne des soins, l’infirmière favorise un environnement dans lequel les droits humains, les valeurs, les coutumes et les croyances spirituelles de l’individu, de la famille et de la communauté sont respectés »5. Cette intention se reflète dans les codes d’éthique pour soins infirmiers de divers pays. L’objectif de tels codes est de protéger les droits des patients et d’éviter des soins importuns. Il s’ensuit que les programmes de soins infirmiers doivent chercher des façons d’enseigner les soins spirituels et d’en donner l’exemple à l’intérieur de ces directives.

Ces stratégies d’enseignement et d’apprentissage diverses et créatives comprennent : la tenue d’un journal, l’évaluation de thèmes spirituels dans des œuvres d’art ou dans des histoires de patients, l’observation d’un aumônier dans l’exercice de ses fonctions, des exposés – dont certains par des aumôniers et des conférenciers invités représentant d’autres traditions religieuses – des lectures et des travaux écrits variés.

L’inclusion des soins spirituels dans le cadre des soins infirmiers est reconnue plus pragmatiquement dans la nomenclature infirmière d’identification des inquiétudes du patient (le diagnostic) et d’étiquetage des soins thérapeutiques. Par exemple, la North American Nursing Diagnosis Association, dans sa liste internationale des diagnostics qui est largement consultée par les infirmiers/ères, inclut six diagnostics en rapport avec la spiritualité ou la religiosité du patient, entre autres la détresse spirituelle et le risque d’une religiosité perturbée6. Pour les infirmières, les soins spirituels comprennent des interventions telles que appuyer les croyances et pratiques religieuses du patient, faciliter la clarification des valeurs quand la foi recoupe la prise de décision pour des traitements, communiquer avec empathie sur les luttes spirituelles, et ainsi de suite7.

La littérature infirmière regorge de discussions autour de la signification du soutien au bien-être spirituel du patient. Une recherche en novembre 2016 dans la base de données Cumulative Nursing and Allied Health Litterature (CINAHL) a identifié presque 3500 citations dans les publications depuis 1980 qui incluaient « spiritual* » OU « religio* »avec « nurs* » dans leur résumé. (L’astérisque permet des recherches qui incluent des variantes du terme de recherche comme religiosité, caractère religieux.) Une partie de cette littérature est pragmatique et décrit comment les infirmières peuvent offrir des soins spirituels ; d’autres documents explorent des concepts spirituellement connexes de façon théorique. De nombreuses infirmières ont inclus des concepts spirituels ou religieux dans des travaux de recherche en utilisant tant les méthodes qualitatives que quantitatives.

Enseigner aux infirmières à assurer des soins spirituels

Les standards d’accréditation du programme des soins infirmiers dans plusieurs pays, dont le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, incluent des attentes énoncées à savoir que les étudiants, avant l’obtention de leur permis de pratique, auront appris à évaluer et gérer les besoins spirituels des patients. Par exemple, le document australien National Competencies de 2006 déclarait qu’une infirmière diplômée devrait « pratiquer d’une manière qui reconnaît la dignité, la culture, les valeurs, les croyances et les droits des individus et des groupes »8. Puis ce document conseillait aussi qu’une infirmière diplômée devait apprendre à « recueillir des données en rapport avec […] les variables spirituelles… en permanence »9. Pareillement, en 2008 le document Essentials of Baccalaureate Education for Professional Nursing Practice de l’American Association of Schools of Nursing (AASN) anticipait que l’enseignement des soins infirmiers de premier cycle apprendrait aux élèves à « mener une évaluation spirituelle complète et ciblée des paramètres de la santé et de la maladie » ; « fournir un enseignement approprié au patient qui reflète la spiritualité » ; « développer une connaissance des croyances et valeurs spirituelles des patients ainsi que des autres professionnels de la santé, et de la façon dont ces croyances et valeurs influencent les soins de santé »10. Étant donné le mandat de l’AASN, la banque de questions des examens d’autorisation d’exercer pour les infirmières diplômées doit inclure des questions sur les soins spirituels.

Les éducateurs en sciences infirmières de plusieurs pays (Israël, Corée, Malte, Les Pays-Bas, Taïwan, le Royaume-Uni) ont démontré dans des articles publiés comment ils enseignaient aux infirmiers/ères les soins spirituels. Souvent, ces rapports sont une description de la spiritualité (pour la différencier de la religion), un encouragement à être conscient de sa propre spiritualité et de son bien-être, un exposé des besoins spirituels des patients, une évaluation de la spiritualité du patient, et un survol des soins thérapeutiques spirituels soit : être présent, référer à et collaborer avec des experts en soins spirituels, la communication empathique, le respect de la diversité religieuse. L’évaluation de ces sessions ou cours éducatifs indique qu’ils accroissent le bien-être de l’infirmière ou de l’étudiante infirmière, et améliorent les attitudes lorsqu’il s’agit de donner des soins spirituels11. Cependant, bien que les attitudes envers les soins spirituels soient souvent mesurées, les aptitudes en relation avec les soins spirituels et/ou leur connaissance sont rarement évaluées.

Les écoles d’infirmiers/ères utilisent diverses approches pour l’enseignement des soins spirituels. Certaines écoles intègrent cet enseignement dans l’ensemble du programme, mais d’autres – et elles sont probablement la majorité – le donnent dans des exposés ou des travaux sélectionnés, souvent dans le contexte de problèmes de santé présentant un risque imminent de mort12. Ces stratégies d’enseignement et d’apprentissage diverses et créatives comprennent : la tenue d’un journal, l’évaluation de thèmes spirituels dans des œuvres d’art ou dans des histoires de patients, l’observation d’un aumônier dans l’exercice de ses fonctions, des exposés – dont certains par des aumôniers et des conférenciers invités représentant d’autres traditions religieuses – des lectures et des travaux écrits variés13. En effet, il existe plusieurs livres écrits par et pour les infirmières qui discutent de l’accompagnement spirituel, dont trois écrits par Elizabeth Johnston Taylor, une auteure adventiste14. Bien que critiqués comme étant insuffisants à cet égard, beaucoup de manuels de sciences infirmières de base ont des chapitres sur la spiritualité et la religiosité des patients15.

L’enseignement des soins spirituels est obligatoire ; plusieurs ressources et modalités éducatives pour enseigner les soins spirituels existent ; et pourtant, un grand nombre d’études rapportent que les infirmières au chevet du malade se sentent insuffisamment formées pour les prodiguer16. Ces études révèlent aussi que la spiritualité ou la religiosité personnelle de l’infirmier/ère est corrélée à des attitudes positives. Il semble, cependant, qu’il y ait une coupure entre une attitude positive et une application des soins spirituels17.

L’enseignement des soins spirituels dans les écoles d’infirmières adventistes

Bien qu’il existe peu de descriptions de la façon dont les soins spirituels sont enseignés à des étudiants de premier cycle fréquentant une école religieuse18, il n’existe, pour le moment, qu’une seule publication qui présente un exemple adventiste19. Elizabeth Johnston Taylor, auteure de cet article, et ses collaborateurs décrivent comment le programme de licence de la Loma Linda University School of Nursing (LLUSN) prépare volontairement ses diplômés pour les habiliter à donner des soins spirituels. Cela se fait de diverses manières dont : l’adoption d’un cadre conceptuel qui explicitement reconnaît une dimension spirituelle ; l’intégration d’un contenu pertinent sur la spiritualité dans l’ensemble du programme – l’apprentissage de l’évaluation spirituelle dès l’introduction des principes fondamentaux du cours et le perfectionnement des habilités de communication lors d’un tout dernier cours ; l’usage de diverses stratégies pédagogiques – assigner un journal de bénédictions, des études de cas, des plans de soins pour le patient, un papier de réflexion personnelle ; la modélisation de soins spirituels par les professeurs alors qu’ils donnent des soins directs à un patient ; la tenue biannuelle d’un atelier obligatoire de quatre heures sur les soins spirituels, et la création d’un environnement spirituellement propice – prières offertes avec et pour les étudiants, présence hebdomadaire à la chapelle, moment de dévotion au début de chaque cours pédagogique ou clinique.

L’enseignement des soins spirituels doit inclure la constatation qu’ils peuvent être potentiellement néfastes lorsqu’ils sont coercitifs ou non éthiques. Une infirmière, alors qu’elle prodigue des soins, est en position de force face à un patient qui est vulnérable.

Ce qui fait la particularité du programme de la LLUSN est qu’il évalue délibérément les perceptions des étudiants diplômés quant à leur compétence en soins spirituels à l’aide d’un bref sondage quantitatif. Il évalue aussi comment ces étudiants sortants perçoivent leur expérience universitaire quant à sa capacité de favoriser leur épanouissement global, celui-ci incluant leur spiritualité.

Dans le but de mieux comprendre comment les éducateurs infirmiers adventistes tout autour du monde enseignent à leurs élèves à dispenser des soins spirituels, le bureau des soins infirmiers globaux de la LLUSN a envoyé une requête par courriel à tous les directeurs de programmes. Comme il ne s’agissait pas d’une investigation systématique, elle n’a pas nécessité l’approbation du comité de déontologie. Vingt et une écoles de cinq régions du monde (l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Asie, et l’Amérique du Nord) ont répondu. Les écoles représentées comptaient une population qui était entre 20 et 99 pourcent adventiste – dans neuf écoles moins de 50 % de la population était adventiste – et les professeurs majoritairement adventistes, excepté dans quatre écoles. Les réponses suggéraient que les éducateurs infirmiers adventistes croient que les soins spirituels s’enseignent en soutenant spirituellement ou religieusement les élèves, et en leur assurant une instruction didactique et des expériences cliniques.

Probablement que les éducateurs adventistes seraient volontiers d’accord avec la position d’autres éducateurs infirmiers comme Lewinson, McSherry et Kevern20 à savoir que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les infirmiers/ères soient conscients et présents, et certainement pas aptes à soigner les besoins spirituels des patients, s’ils ne sont pas jusqu’à un certain point eux-mêmes sensibles à leurs besoins spirituels personnels et ne se soucient pas de leur propre développement moral. Ainsi, les éducateurs en sciences infirmières adventistes procurent un soutien spirituel au moyen d’expériences religieuses et spirituelles pendant les heures de classe – méditations en début de cours, semaine de prière – en donnant l’exemple – « en tant que professeur, j’enseigne comment prier avec les patients en priant avec mes élèves » ou « en parlant de mes expériences avec Dieu, mes élèves sentent que je communique avec Dieu car cela se voit dans mes pensées, mes actes, et mes paroles » – et en encourageant un comportement chrétien en dehors des heures de classe – en visitant des patients dans une activité de rayonnement social dirigée par l’église, en travaillant pour l'IEBC (cours bibliques par correspondance) pour donner ou corriger des leçons de Bible. Une école de soins infirmiers d’Amérique du Sud a une activité mensuelle qui illustre toutes les méthodes citées ci-dessus. Les étudiants sont invités à piocher le nom d’un camarade de classe et à prier spécifiquement pour lui pendant une semaine. Par la suite, lors d'un repas de sabbat offert par leur professeur, ils sont invités à partager leurs expériences spirituelles récentes ou leurs requêtes de prière, et à offrir un cadeau au camarade pour lequel ils ont prié.

La presque totalité des directeurs de programmes ont aussi signalé que leurs programmes comprenaient des cours sur les soins spirituels – cours donnés par un professeur de soins infirmiers et/ou des experts en soins spirituels tels que des aumôniers ou des pasteurs – des lectures assignées sur les soins spirituels, des études de cas, et d’autres activités de cours enseignant les soins spirituels. De même, presque tous les répondants ont reconnu avoir un programme guidé par un cadre conceptuel qui identifie spécifiquement la spiritualité. La plupart des programmes avaient aussi des devoirs cliniques qui permettaient aux étudiants d’avoir une expérience pratique en soins spirituels – évaluation spirituelle, élaboration de plans de soins, prière avec les patients, écoute sans jugement de leurs préoccupations spirituelles. Beaucoup de répondants ont décrit comment ils incluaient les soins spirituels dans les expos santé ou les projets pour la communauté – offrir un exposé spirituel après une présentation sur le style de vie, prier avec ceux qui cherchent des services de santé ou d’hygiène. Une bonne partie des soins spirituels enseignés tourne autour de la prière : les étudiants sont souvent invités à prier après avoir donné un soin ou après une intervention pour quelqu’un en détresse émotionnelle. Une école enseigne aux futurs infirmiers/ères des techniques de méditation et de prière, ainsi que des activités qui permettent l’expression des émotions. Les écoles qui se trouvent dans des pays sous forte influence catholique ajoutent à la prière, le chant chrétien et la lecture d’un verset biblique au cours de la visite des malades.

Observations et recommandations

Voici donc des illustrations qui révèlent comment les soins spirituels sont enseignés dans les écoles de sciences infirmières adventistes du monde entier, mais aussi comment les croyances et les comportements chrétiens s’harmonisent, comment les éducateurs en soins infirmiers vivent et enseignent un service compatissant. Alors que l’article de Ramal et Mamier à la page de ce numéro décrit quelles sont les motivations des soins spirituels donnés par les infirmiers/ères adventistes, cet article veut concentrer ses observations et ses recommandations sur les facteurs pouvant favoriser et fortifier la prestation et l’enseignement des soins. Les points suivants pourraient, certes, être mal interprétés et pris pour des avertissements de ne pas partager l’amour de Dieu, mais ils sont, en fait, des suggestions afin de vivre plus sensiblement, respectueusement et éthiquement l’amour de Dieu de façon pratique.

Un enseignement en soins spirituels contextuel

1. Les approches pédagogiques pour enseigner aux étudiants en sciences infirmières les façons de fournir des soins spirituels varient selon le contexte culturel dans lequel chaque école est implantée. Les écoles dans les cultures occidentales pluralistes et individualistes ont un contenu de programme qui inclut une connaissance de plusieurs traditions religieuses, et la nécessité pour les infirmiers/ères de respecter et de soutenir les patients de différentes confessions. Par contre, dans les écoles d’Asie, d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, les soins spirituels sont souvent assimilés aux croyances chrétiennes ou adventistes. Ce constat conduit à s’interroger sur la façon dont les mœurs culturelles sont étroitement liées aux impératifs éthiques. Ma recommandation est que les écoles adventistes, sans exception, enseignent à leurs élèves de ne pas confondre soins spirituels et évangélisation ; et qu’elles les préparent à reconnaître avec sensibilité les besoins spirituels particuliers de patients venant d’horizons multiples. Dans n’importe quel contexte culturel, les soins globaux, en fait les soins qui reflètent la compassion de Christ, devraient inclure un travail préparatoire grâce à une conversation empathique qui ouvre des espaces partagés de confiance,  de respect et de sincère bienveillance. Ce n’est qu’alors que le patient pourra être prêt à recevoir, à sa demande, des soins spirituels authentiques. Dès que le patient manifeste une ouverture à recevoir des soins spirituels, le ministère de l’infirmière, qui partage sincèrement l’amour inconditionnel de Dieu tout en communiquant de l’espoir et du réconfort, sera certainement mieux accepté, et il sera efficace. 

2. Prier fait souvent partie du plan thérapeutique infirmier adventiste. Les infirmières adventistes qui prient avec leurs patients ont de nombreuses histoires à raconter sur l’efficacité de la prière. Les adventistes, tout comme la majorité des Américains, prient à haute voix. C’est souvent dans les moments de souffrance physique ou émotionnelle extrême que les patients apprécient le plus la prière, mais ceux-ci ne sont pas toujours favorables à la prière à voix haute. Une infirmière en chef a signalé que peut-être toutes les écoles d’infirmières devraient enseigner à leurs élèves les diverses façons de méditer et de prier, et ainsi de pouvoir adapter les expériences de prière aux circonstances.

Donner l’exemple de soins spirituels éthiques en pratique

3. Certes, l’enseignement des soins spirituels exige que les infirmières reçoivent un soutien alors qu’elles mûrissent spirituellement. Par contre, encore faut-il que cela soit fait de façon éthique. Au moment de l’inscription dans une école adventiste, les élèves acceptent implicitement de se placer dans un environnement où ils seront modelés par des croyances et pratiques religieuses adventistes. Les écoles doivent présenter, à tous les élèves potentiels, ce que cela implique, c'est-à-dire la fréquentation hebdomadaire de l’église et une perspective religieuse en classe. Il ne serait pas correct qu’un professeur, aussi gentil fût-il, fasse pression sur un élève pour qu’il assiste à une étude biblique le vendredi soir ou à toute autre activité religieuse sans lien avec les attentes scolaires. Une telle attitude serait une forme d’abus de la relation professeur-élève et suggèrerait une religiosité égocentrique. Je recommande que les professeurs soient sensibles au fait que les élèves puissent se sentir obligés de participer à des activités religieuses extrascolaires. Qu’ils fassent donc leurs invitations de manière à éviter la possibilité de mettre l’élève mal à l'aise.

4. Les éducateurs en sciences infirmières doivent veiller à ne pas imposer à leurs élèves des devoirs ou des obligations qui ne correspondent pas à leurs croyances – comme fonder les notes d’un élève sur le fait d’avoir prié à haute voix avec 10 patients préopératoires pendant un stage clinique alors qu’il ne croit pas dans la prière ou qu’il prie d’une manière autre que celle de son instructeur. 

5. L’enseignement des soins spirituels doit inclure la constatation qu’ils peuvent être potentiellement néfastes lorsqu’ils sont coercitifs ou non éthiques. Une infirmière, alors qu’elle prodigue des soins, est en position de force face à un patient qui est vulnérable. Certains éthiciens, avançant ce déséquilibre des forces, soutiennent qu’il ne faudrait pas prier ou exposer de croyances religieuses personnelles à moins que le patient n'en fasse la requête21. Marsha Fowler, théologienne chrétienne et éthicienne infirmière, affirme : « Les infirmières qui s’abstiennent de parler de leur foi alors que cela n’est pas bienvenu, proclament la liberté qui doit exister dans la foi22 ». Plus encore, le rôle de l’infirmière est de traiter des problèmes de santé. Si donc la spiritualité du patient fait partie de son problème, ou si la spiritualité constitue une ressource pouvant traiter ce problème de santé, il relève de la compétence de l’infirmière d’offrir des soins de soutien spirituellement sensibles. Ainsi, l’infirmière n’a pas à jouer un rôle de théologienne, ni d’évangéliste ou de conseillère pastorale. Ma recommandation, alors, est que les objectifs des écoles de sciences infirmières adventistes soient non seulement d’aider leurs élèves à clarifier et à affiner leur propre spiritualité, mais aussi de leur enseigner à encourager le cheminement spirituel de leurs patients sans aucune forme de contrainte. 

6. Finalement, ayant reçu un tel enseignement éthique, les infirmières adventistes diplômées ne rencontreront pas vraiment de problème si elles travaillent dans des contextes non religieux. Je recommande que les élèves ne reçoivent pas seulement un enseignement théorique. Ils ont aussi besoin d’étudier les preuves sur lesquelles s’appuient les soins spirituels de façon à pouvoir expliquer la raison de leurs soins spirituels dans « la vraie vie ». Bien sûr, une discussion exhaustive de ces questions dépasse largement la portée de cet article, mais j’espère que ces brèves explications inciteront les lecteurs à pousser leur réflexion plus loin. Une discussion approfondie au sujet de l’éthique des religieuses hospitalières partageant leur religiosité personnelle se trouve dans Religion : A Clinical Guide for Nurses23.

Conclusion

Un trait saillant des programmes de sciences infirmières adventistes est qu’ils enseignent aux étudiants en sciences infirmières à donner des soins spirituels. Il est possible que cette caractéristique ainsi que le contexte religieux dans lequel l’enseignement se donne soient les éléments qui fassent la particularité de l’enseignement infirmier adventiste. Le problème se pose de savoir si les soins spirituels doivent être enseignés comme étant de l’évangélisation. Taylor (2011) donne cette réponse aux infirmiers chrétiens : « C’est non, si par évangélisation on entend qu’il faille essayer de persuader, même subtilement, des patients vulnérables de penser comme nous. C’est oui, si cela signifie démontrer la compassion de Christ dans cette mission sacrée qui est d’être les mains de Jésus24 ». Certes, les éducateurs en sciences infirmières adventistes pourraient bénéficier d’une réflexion en continu avec leurs élèves sur ce que signifie pour les travailleurs de la santé de porter l’Évangile au monde entier. Il est nécessaire de reconnaître qu’il y a une différence entre spiritualité et religion conventionnelle – et donc entre soins spirituels et soins religieux – et que cela varie d’une culture à l’autre. Par contre, certaines considérations éthiques sont universelles et elles s’appliqueront toujours et partout.


Cet article a été révisé par des pairs.

L’auteur remercie Dr Patricia Jones et Valerie Nusantara pour leur aide. Elles ont contacté des éducateurs en sciences infirmières adventistes dans le monde entier pour obtenir des exemples de pratiques pédagogiques. L’auteur est également très reconnaissant envers les Drs Jones, Iris Mamier et Edelweiss Ramal pour leur examen attentif du manuscrit, ainsi que pour les informations anecdotiques tirées de leurs programmes et fournies par les éducateurs adventistes qui sont généreusement et gracieusement partagées dans cet article à des fins illustratives.

Elizabeth Johnston Taylor

Elizabeth Johnston Taylor, PhD., RN, est professeur de sciences infirmières à la Loma Linda School of Nursing (LLUSN) à Loma Linda, Californie, États-Unis. Elle est professeur universitaire depuis plus de 20 ans, et enseigne à la LLUSN depuis 2000. Ses intérêts de recherche se concentrent sur les réponses spirituelles à la maladie et l’administration de soins spirituels par les infirmiers. Dr Taylor a écrit trois livres -- Religion : A Clinical Guide for Nurses (Springer 2012) : What Do I Say ? How to Talk with Patients About Spirituality (Templeton 2007) ; et Spiritual Care : Nursing Theory, Research, and Practice (Prentice Hall 2002). Elle a reçu plusieurs reconnaissances, et plus récemment, le prix Pionnier décerné par le Réseau des aumôniers en milieu hospitalier.

Référence recommandée :

Elizabeth Johnston Taylor, “L’ENSEIGNEMENT DE SOINS INFIRMIERS SPIRITUELLEMENT SENSIBLES : RECOMMANDATIONS POUR UNE APPROCHE ADVENTISTE ÉTHIQUE,” Revue d’éducation adventiste 44:1 (Octobre–Décembre 2017). Disponible à https://www.journalofadventisteducation.org/fr/2018.2.4.

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. Loma Linda University School of Nursing, “List of International Seventh-day Adventist Schools of Nursing” (2017): http://nursing.llu.edu/about-us/global-nursing/international-schools-nursing.
  2. Mary Elizabeth O’Brien, Spirituality in Nursing: Standing on Holy Ground, 5e éd. (Burlington, Mass.: Jones and Bartlett Learning, 2014).
  3. Elizabeth J. Taylor, Carla G. Park, et Jane B. Pfeiffer, “Nurse Religiosity and Spiritual Care,” Journal of Advanced Nursing 70:11 (novembre 2014): 2612-2621. doi: 10.1111/jan.12446.
  4. Mary Elizabeth O'Brien, Spirituality in Nursing: Standing on Holy Ground, 5e éd.Elizabeth J. Taylor, Spiritual Care: Nursing Theory, Research, and Practice (Upper Saddle River, N.J.: Prentice Hall, 2002).
  5. The ICN Code of Ethics for Nurses http://www.icn.ch/images/stories/documents/about/icncode_english.pdf
  6. T. Heather Herdman et Shigemi Kamitsuru, éds., NANDA International Nursing Diagnoses: Definitions and Classification, 2015–2017 (Oxford, United Kingdom: Wiley Blackwell, 2014).
  7. Elizabeth J. Taylor, “What Is Spiritual Care in Nursing? Findings From an Exercise in Content Validity,” Holistic Nursing Practice 22:3 (mai-juin 2008): 54-159. doi: 10.1097/01.hnp.0000318024.60775.46.
  8. Australian Nursing and Midwifery Council, National Competency Standards for the Registered Nurse (2006): http://www.nursingmidwiferyboard.gov.au/Codes-Guidelines-Statements/Professional-standards.aspx, 4.
  9. Ibid., 8.
  10. American Association of Colleges of Nursing, The Essentials of Baccalaureate Education or Professional Nursing Practice (2008): http://www.aacn.nche.edu/education-resources/baccessentials08.pdf., 31, 32.
  11. Katherine L. Cooper et coll., “The Impact of Spiritual Care Education Upon Preparing Undergraduate Nursing Students to Provide Spiritual Care,” Nurse Education Today 33:9 (septembre 2013): 1057-1061. doi:10.1016/j.nedt.2012.04.005; Elizabeth J. Taylor, Nancy L. Testerman, et Dynnette E. Hart, “Teaching Spiritual Care to Nursing Students: An Integrated Model,” Journal of Christian Nursing 31:2 (avril-juin 2014): 94-99.
  12. Taylor, Testerman, et Hart, “Teaching Spiritual Care to Nursing Students:An Integrated Model.”
  13. Elizabeth J. Taylor et coll. “Nurse Religiosity and Spiritual Care”; Kerry A. Milner, Kim Foito, et Sherylyn Watson, Strategies for Providing Spiritual Care & Support to Nursing Students,” Journal of Christian Nursing 33:4 (octobre-décembre 2016): 238-243. doi: 10.1097/cnj.0000000000000309.
  14. Elizabeth J. Taylor, Spiritual Care: Nursing Theory, Research, and Practice;Elizabeth J. Taylor, What Do I Say? Talking With Patients about Spirituality (West Conshohocken, Penna.: Templeton Press, 2007); Elizabeth J. Taylor, Religion: A Clinical Guide for Nurses (New York: Springer, 2012).
  15. Fiona Timmins et coll., “Spiritual Care Competence for Contemporary Nursing Practice: A Quantitative Exploration of the Guidance Provided by Fundamental Nursing Textbooks,” Nurse Educucation in Practice 15:6 (novembre 2015): 485-491. doi: 10.1016/j.nepr.2015.02.007.
  16. Katherine L. Cooper et coll., “The Impact of Spiritual Care Education Upon Preparing Undergraduate Nursing Students to Provide Spiritual Care.”
  17. Danielle Rodin et coll., “Whose Role? Oncology Practitioners’ Perceptions of Their Role in Providing Spiritual Care to Advanced Cancer Patients,” Support Care Cancer 23:9 (janvier 2015): 2543-2550. doi: 10.1007/s00520-015-2611-2; Barry S. Gallison et coll., “Acute Care Nurses’ Spiritual Care Practices,” Journal of Holistic Nursing 31:2 (juin 2013): 95-103. doi: 10.1177/0898010112464121; Wilfred McSherry et Steve Jamieson, “The Qualitative Findings From an Online Survey Investigating Nurses’ Perceptions of Spirituality and Spiritual Care,” Journal of Clinical Nursing 22:21-22 (octobre 2013): 3170-3182. doi: 10.1111/jocn.12411.
  18. École juive : Laurie H. Glick, “Nurturing Nursing Students’ Sensitivity to Spiritual Care in a Jewish Israeli Nursing Program,” Holistic Nursing Practice 26:2 (mars/avril 2012): 74-78; école mormonne : Lynn C. Callister et al., “Threading Spirituality Throughout Nursing Education,” Holistic Nursing Practice 18:3 (mai 2004): 160-166; école catholique romaine : Donia R. Baldacchino, “Teaching on the Spiritual Dimension in Care to Undergraduate Nursing Students: the Content and Teaching Methods,” Nurse Education Today, 28:5 (juillet 2008): 550-562.
  19. Taylor, Testerman, et Hart, “Teaching Spiritual Care to Nursing Students: An Integrated Model.”
  20. Lesline P. Lewinson, Wilfred McSherry, et Peter Kevern, “Spirituality in Pre-registration Nurse Education and Practice: A Review of the Literature,” Nurse Education Today 35:6 (juin 2015): 806-814. doi: 10.1016/j.nedt.2015.01.011.
  21. Taylor, Religion: A Clinical Guide for Nurses.
  22. Marsha D. M. Fowler, Guide to the Code of Ethics for Nurses With Interpretive Statements, 2e éd. (Silver Spring, Md.: American Nurses Association, 2015), 85.
  23. Taylor, Religion: A Clinical Guide for Nurses.
  24. Taylor, “Spiritual Care: Evangelism at the Bedside,” Journal of Christian Nursing 28:4 (octobre 2011): 194-202.