Les étudiants qui entrent au collège et à l’université ont tous un passé et un vécu différents. L'idée que chaque élève qui entre en première année universitaire vient tout juste de finir ses études secondaires est erronée. Ils sont nombreux ceux qui entreprennent des études supérieures et qui ont déjà une expérience de vie significative.
La culture des études universitaires n’est que rarement la même que celle du niveau secondaire, et la transition peut être difficile même pour des élèves doués. Dans de nombreux pays, la massification de l’enseignement supérieur a permis l’accès à l’éducation pour tous, le seul facteur limitant étant la capacité de l’étudiant de satisfaire aux exigences d’entrée et de payer pour ses cours.
L’éducation en ligne offre un style de vie plus souple, particulièrement pour les étudiants qui travaillent, ont des responsabilités familiales et/ou vivent loin d’une université. De ce fait, de nombreux étudiants de l’enseignement supérieur s’inscrivent à des cours en ligne pour la première fois. Ces étudiants sont confrontés à un double défi : étudier au niveau universitaire et dans un nouvel environnement. Ceux-ci vivent un stress de plus du fait que l’on assume le fait qu’ils soient des apprenants autonomes capables de gérer leur propre apprentissage et les problèmes inhérents au milieu universitaire. La combinaison d’un accroissement des attentes et de contacts personnels moindres avec les professeurs et les autres étudiants crée un défi complexe pour les universitaires inscrits dans des universités offrant des diplômes universitaires de premier cycle en ligne (Voir dans ce numéro les articles de Adam Fenner et Lorena Neria de Girarte).
Cela ne fait pas exception dans le contexte des institutions adventistes du septième jour qui sont fières de fournir un haut niveau de soutien à leurs étudiants : ceux qui entrent pour la première fois à l’université se retrouvent souvent face à un mur lorsqu'ils rencontrent des difficultés. Qu’ils soient étudiants réguliers ou en ligne, tous font l’expérience de difficultés à un moment ou à un autre au cours de leur première année universitaire.
Un programme de mentorat virtuel peut apporter de l’aide à tous les étudiants de première année qu’ils soient inscrits dans des environnements d’apprentissage en ligne, mixte ou régulier. Une telle initiative, mise en place par l’université de Newcastle en Australie, et plus tard par le Collège Avondale (université de premier cycle) à Cooranbong, en Australie, a également soutenu les étudiants – qui avaient été identifiés comme étant à risque – inscrits dans les autres années d’études et qui éprouvaient des difficultés.
Les défis en rapport avec la nouveauté de leur situation sont rapidement relevés par la plupart des étudiants. Par contre, la vie et le stress liés aux études semblent empêcher certains à surmonter de telles difficultés. De plus, même les étudiants qui semblent bien progresser peuvent faire face à la maladie, au deuil ou à des problèmes psychologiques. Non identifiés rapidement, ces problèmes peuvent les entraîner dans une spirale descendante débouchant sur l’abandon des études. Dans ces scénarios catastrophes, des étudiants aux excellentes capacités scolaires peuvent abandonner leurs études ou tout simplement passer entre les mailles du filet. D’une façon générale, on déclare ces étudiants à risque parce que, pour diverses raisons, ils ne s’adaptent pas bien et risquent de rater leurs études ou de décrocher, et cela, souvent, sans qu’on s’en rende compte. Malgré la possibilité de faire appel à une diversité de services de soutien aux étudiants, ces élèves à risque s’isolent souvent quand ils éprouvent des difficultés scolaires.
Les classes universitaires à gros effectifs permettent peu – au personnel universitaire, au personnel résidentiel, aux conseillers, aux aumôniers et même aux camarades – de remarquer les étudiants qui ont des difficultés sur une base individuelle. Il est possible qu’un enseignant puisse ignorer les implications plus larges d’un devoir raté ou manqué mais si cela survient dans toutes les matières, il y a là un signe que l’étudiant a besoin d’aide supplémentaire – et il ne faudrait pas que ce besoin soit découvert trop tard. De la même manière, à l’intérieur d’une plate-forme d’apprentissage en ligne (Learning Management System – LMS), le fait qu’un élève visite peu souvent ou s’applique peu à un sujet particulier, risque de signifier qu’il a de la difficulté avec le sujet donné ; mais un manque d’intérêt pour tous les sujets choisis dénote souvent un étudiant à risque. Les effets cumulatifs sont le signe sûr d’un problème, mais sans le bénéfice d’une LMS ou d’un système de suivi similaire, il n’y a personne dans une université qui pourrait identifier une telle situation et agir avant que l’étudiant ait échoué dans plusieurs matières ou qu’il ait complètement décroché.
Dans la plupart des cas, les institutions d’études supérieures offrent des services de soutien adéquats pour de tels cas. Malheureusement, les étudiants n’y font pas toujours appel. Les élèves qui cherchent de l’aide peuvent en trouver facilement mais ce qui est complexe est l’identification et le soutien des étudiants qui s’isolent. Certes, il n’existe pas de moyen simple d’identifier et aider de tels étudiants, mais une bonne solution pourrait être d’exploiter la capacité de la technologie pour faciliter ce processus.
Le contexte australien
À partir des années 1970, de nombreuses recherches ont exploré les problèmes de la rétention et des départs volontaires chez les étudiants dans l’enseignement supérieur. Celles-ci ont confirmé que le décrochage universitaire avant l’obtention de leur diplôme a une incidence défavorable sur les étudiants tant en Australie1 qu’internationalement2. Le décrochage étudiant non seulement affecte l’institution mais aussi l’étudiant concerné et sa famille. Les modèles actuels de financement pour le secteur de l’éducation supérieure australien (HECS ; FEE-HELP) et américain (les prêts étudiants fédéraux et privés) laissent souvent les étudiants avec de fortes dettes, malgré les matières achevées. Hormis les considérations financières, il y a d’autres répercussions négatives qui pourraient être évitées si la rétention était gérée plus efficacement.
La révélation qu’un tiers de tous les étudiants pensent à abandonner leurs études au cours de leur première année universitaire a suscité des préoccupations générales3. En ce qui concerne l’Australie, l’étude majeure de McInnis et coll.4 est toujours d’actualité. Celle-ci révèle que les étudiants de première année, selon Krause5, hésitent entre trois tensions parfois concurrentes :
- la pertinence, pour leur vie, du programme dans lequel ils se sont inscrits ;
- les perceptions qu’ils ont d’eux-mêmes en tant que clients (à partir des dimensions marketing et de services de leur institution) ;
- les normes d’intégrité intellectuelle et disciplinaire auxquelles sont tenus les universitaires.
Il est possible que ces tensions contribuent au décrochage des étudiants inscrits dans une université. Plusieurs modèles ont tenté d’expliquer la rétention et le départ spontané des étudiants. De nombreuses approches visant la réduction d’abandon des études ont été explorées et mises en place parmi les étudiants en première année en Australie. Ces stratégies tournent autour d’efforts visant à augmenter les niveaux d’engagement des étudiants, à créer des communautés d’apprentissage, et à mettre en place des tactiques en vue de construire l’intégration universitaire et sociale. Ces stratégies se sont révélées utiles et ont influencé la rétention étudiante6.
Identification du besoin
En 2013, l’administration du Collège Avondale, a mené une étude pilote pour évaluer tous les étudiants du premier cycle. Cette étude a révélé que de nombreux étudiants de première année ignoraient ou ne s’étaient pas servis des systèmes de soutien de leur institution – soutien pédagogique, orientation, soutien pour un sujet particulier, etc. Il s’est ensuivi que de mettre en évidence ces services et d’encourager les étudiants à en profiter, a été considéré comme un premier pas vers la réduction du décrochage et l’offre d’un soutien supplémentaire aux élèves dans le besoin.
De plus, quand les effectifs importants des classes sont la norme, les étudiants qui éprouvent des problèmes personnels réclament rarement un soutien individuel, et souvent, ils se retirent7. Il faut que les écoles développent des mécanismes pour les aider à identifier et à soutenir de tels étudiants à risque en leur offrant des directives, des outils et un appui selon leurs besoins. En dirigeant rapidement les étudiants en difficulté vers des services d’aide, on devrait pouvoir diminuer les taux d’abandon, d’échec et de détresse personnelle.
Des recherches ont prouvé qu’il y a des avantages à créer une atmosphère générale dans laquelle les étudiants se sentent socialement liés à leur université et soutenus. Lizzio8 a proposé que le sentiment d'appartenance d'un étudiant pourrait être créé par la mise en place d'un environnement composé des « cinq clés de la réussite » : relations, compétences, créativité, objectif et culture. La création d’un tel environnement pourrait améliorer favorablement l’expérience de la première année des étudiants, et plus particulièrement celle de ceux qui se sentent vulnérables et non-conformes9. Il est extrêmement important de consolider les liens des étudiants avec leurs institutions universitaires. Par contre, les interventions universitaires seront moins efficaces si elles ne sont pas jointes à une insistance sur la nécessité de relations sociales profondes au cours du premier trimestre scolaire, celui-ci étant décisif10.
Le programme virtuel de mentorat d’Avondale
Au collège d’études supérieures Avondale, toutes les matières ont un élément en ligne/mixte et utilisent Moodle pour la LMS afin de travailler avec les étudiants à l’extérieur des classes régulières. Avondale, afin de faciliter l’identification des étudiants de première année qui sont potentiellement à risque et leur offrir de l’aide, avait mis sur pied un programme de mentor virtuel (MV). Le rôle de mentor à temps partiel avait été créé afin de suivre les progrès des étudiants et d’entrer en contact avec ceux qui semblent avoir des difficultés. Le MV se rapportait au vice-président de l’enseignement et la recherche.
Les étudiants étaient présentés au MV à plusieurs occasions (y compris pendant des séances d’orientation en ligne et en face-à-face, des cours magistraux et des travaux dirigés) et par diverses personnes (y compris les responsables de programmes, les coordonnateurs des matières, le personnel administratif, et le personnel de soutien pastoral). Les étudiants étaient également informés des rôles et responsabilités du MV sur les pages web de la plate-forme d’apprentissage en ligne (LMS).
Quand un étudiant échouait sur un point d’évaluation, ou ne suivait pas les activités de la LMS, le MV le contactait (habituellement par courriel, et parfois par téléphone). Après avoir pris note du manque de progrès de l’étudiant, le MV le questionnait sur un éventail de problèmes dont les suivants :
- l’étudiant avait-il un problème particulier ?
- l’élève avait-il besoin du soutien additionnel d’un tuteur et /ou
- l’élève avait-il besoin de discuter de son choix de carrière avec un agent de programme ou les services d’orientation professionnelle ?
Le cas échéant, les étudiants étaient encouragés à :
- obtenir l’aide des services d’orientation professionnelle de l’université
- parler avec un conseiller et/ou
- rencontrer les coordonnateurs des matières et/ou les responsables des programmes.
Pour les élèves internes, les rencontres avaient lieu en personne et pour les élèves en ligne par visioconférences.
Le MV avait la charge d’assumer les responsabilités suivantes :
- surveiller les progrès de l’élève grâce au Carnet de notes (un outil à l’intérieur de la LMS de l’institution qui conservait les notes de chaque devoir pour les sujets dans lesquels les étudiants étaient inscrits)
- surveiller l’implication en ligne des étudiants (les statistiques de la LMS permettaient au MV d’identifier le nombre de fois où les étudiants allaient sur la LMS et quelles étaient les options sélectionnées)
- contacter les étudiants qui avaient échoué à un examen ou qui n’avaient pas participé à une activité en ligne
- rester ultérieurement en contact régulier avec les étudiants à risque
- repérer les étudiants à risque dans toutes les matières choisies
- assurer la liaison avec les coordonnateurs de matières et les informer des problèmes des étudiants
- consigner ce qui était arrivé
- analyser le dossier et en rendre compte aux professeurs et aux responsables de programmes
- déterminer les meilleures pratiques pour aider les étudiants pendant leur première année à l’université
- faciliter les relations étudiants-personnel
- accroître la visibilité des mauvais élèves ou à risque auprès du MV puis auprès des formateurs et des conseillers pédagogiques.
Le travail du mentor virtuel
Le MV devait gérer un système centralisé d’enregistrement et se servir d’une approche systématique pour évaluer les éléments de chaque matière dans laquelle les étudiants s’étaient inscrits y compris l’échéancier d’évaluation, les groupes de discussions, etc. Il devait aussi veiller à ce qu’un plan ait été élaboré en accord avec l’administration scolaire pour toutes les matières.
Le MV avait recueilli les informations suivantes, dont les points saillants sont indiqués dans le tableau 1 : a) le nombre d’étudiants de première année ; b) le nombre global de sujets surveillés par le MV ; c) le nombre d’étudiants inscrits dans chaque unité, cohorte et discipline ; d) le nombre de matières par discipline.
Les niveaux d’engagement des étudiants ont été classés en utilisant les indicateurs d’engagement ci-dessous. Le MV a évalué l’engagement sur la LMS des étudiants dans chacun de ces domaines pour identifier les étudiants qui étaient potentiellement à risque :
- accès à la LMS avant la fin de la deuxième semaine ;
- téléchargement des grandes lignes des modules avant la fin de la deuxième semaine ;
- téléchargement des informations destinées aux étudiants (un dossier PDF donnant des informations détaillées d’évaluation) avant la fin de la troisième semaine ;
- consultation du forum de nouvelles (forum d’annonces) avant la fin de la troisième semaine ;
- fréquence d’accès aux matières au cours des quatrième à sixième semaines ;
- nombre de clics au cours des quatrième à sixième semaines y compris le nombre de clics de souris que l’étudiant fait sur le site de la LMS pendant cette période ;
- soumission de la tâche de contrôle 1 (et s’il y a lieu, la demande de prolongation) ;
- soumission de la tâche de contrôle 2 (et s’il y a lieu, la demande de prolongation) ;
- soumission de la tâche de contrôle 3 (et s’il y a lieu, la demande de prolongation).
L’activité du MV au complet était intégrée à un tableur afin de permettre la corrélation des renseignements sur les étudiants dans de multiples sujets. En surveillant l’activité de la plate-forme d’apprentissage en ligne, le MV pouvait identifier les étudiants qui travaillaient mal et risquaient un échec.
Si les étudiants n’avaient pas réalisé un des indicateurs d’engagement, ils recevaient un courriel du système. Le premier courriel envoyé demandait simplement : « Tout va bien ? Nous avons remarqué que vous n’avez pas encore accédé à tel indicateur d’engagement. » Le tableau 2 indique que 80 courriels ont été reçus à la suite des plus de 1600 courriels envoyés. Ils comportaient des remerciements au MV pour le rappel ou des demandes d’aide ou de conseil.
Le rôle du MV n’était pas un rôle universitaire mais plutôt un rôle de soutien et de conseils objectifs aux étudiants, ou encore d’orientation vers l’aide appropriée à leurs difficultés. Il est intéressant de noter que le simple contact avec le MV a souvent été suffisant pour résoudre les problèmes des étudiants. Par contre, de nombreux élèves n’ont pas répondu au message envoyé par le MV mais ont réagi en fonction de son contenu. Pour les étudiants qui avaient besoin d’aide supplémentaire, les conseils objectifs du MV se sont avérés d’une très grande valeur.
La possibilité pour le MV de surveiller les progrès des étudiants relatifs aux indicateurs d’engagement spécifiques dans chacune des matières, a été essentielle à l’identification rapide des étudiants potentiellement à risque. Les tendances générales sont facilement négligées par le personnel universitaire qui ignore les résultats de leurs élèves dans les autres matières. Par ailleurs, les coordinateurs de matières n’ont pas la capacité de surveiller la totalité des progrès de chaque étudiant ce qui leur permettrait d’identifier les individus qui pourraient être à risque.
Le tableau 2 présente le genre et l’éventail des interactions documentées par le MV. Ces données sont tirées de la première expérimentation du programme de MV qui a révélé un certain nombre de problèmes relatifs aux procédures. Il convient aussi de noter que le nombre de problèmes personnels enregistrés pendant cette période d’essai a été supérieur à ce que l’on se serait normalement. En effet, deux accidents d’automobiles majeurs impliquant des étudiants universitaires s’étaient produits proches des dates des examens, et l’un d’eux avait provoqué un décès. Il est utile de remarquer que les effets de ces accidents avaient pu être observés par le MV grâce à la surveillance de tous les élèves de la LMS quant à leur engagement dans les matières dans lesquelles les étudiants impliqués dans les accidents étaient inscrits.
Aperçus de la réactivité des étudiants envers l’engagement du personnel dans la LMS
Les niveaux d’activité des étudiants sur la LMS étaient de puissants indicateurs d’engagement. C’est pourquoi les étudiants d’Avondale ayant un profil de faible activité sur la LMS avaient été ciblés par le MV. Chez ces étudiants, le moindre manque de participation sur la LMS générait un message de suivi de la part du MV, celui-ci leur rappelant d’accéder régulièrement et d’étudier le matériel pédagogique en ligne. Il est également intéressant de signaler que l’on a trouvé une étroite corrélation entre l’engagement des professeurs envers la LMS et l’engagement de leurs étudiants envers la LMS (voir les figures 1 et 2). Le MV surveillait les interactions entre les étudiants et les professeurs dans le cadre du suivi des élèves de la promotion de première année et des élèves à risque.
De telles corrélations sont appréciables. Cependant, la préoccupation des administrateurs n’a pas cessé d’être la surveillance des étudiants au profil d’engagement faible et leur suivi. Ces indicateurs remarquables ont suggéré une corrélation directe entre le faible niveau d’engagement d’un étudiant et ses résultats scolaires finaux11. Kim Dongho et coll. ont trouvé que les niveaux d’activité et d’engagement des étudiants dans des discussions asynchrones en ligne étaient en corrélation avec leurs résultats finaux, particulièrement en relation avec leur participation active (temps total dans les discussions sur la LMS, fréquence des visites pour les discussions sur la LMS, nombre d’affichages), implication dans les sujets de discussion (longueur des messages, temps de discussion par visite), effort soutenu et application (régularité des visites et temps écoulé entre les visites), et interaction (nombres de réponses suscitées par un message, nombre de réponses aux réponses reçues). Il est clair que les niveaux d’engagement sont en corrélation avec le succès, mais le manque d’engagement dès le début d’un trimestre dans une matière indique une probabilité que les étudiants auront de la difficulté à l’achever avec succès.
Dans une initiative antérieure de MV à l’université de Newcastle en Australie, tant les étudiants de la faculté d’ingénierie en ligne que les étudiants réguliers ont laissé tomber un certain nombre de matières12. Le diagramme 3 présente les semaines dans lesquelles l’abandon a eu lieu dans une gamme de sujets dans le programme. Si la majorité des abandons ont eu lieu au début du trimestre, leur fréquence s’est nettement accélérée vers la fin du trimestre, et avant la date butoir où une pénalité scolaire serait enregistrée sur le relevé de notes de l’étudiant. Le diagramme 3 démontre également que les étudiants en architecture et en construction ont décroché à un rythme soutenu. Les apprenants en ligne, pour une bonne part, étaient des étudiants adultes qui travaillaient à temps plein. On connaît bien, dans ce domaine, les difficultés liées à la gestion du temps, ce qui explique partiellement la tendance présentée dans le diagramme 3. Des sondages ont révélé que les étudiants, pour l’essentiel, ne sont pas au courant des services qui leur sont offerts. Ceci augmente donc les défis qu’ils ont à relever.
Il est difficile de prédire la pleine répercussion de l’initiative du MV étant donné que les options d’inscription disponibles aux étudiants sont complexes et diversifiées. Par contre, les nombreux étudiants de première année qui ont dû donner les motifs de leur manque de progrès alors qu’ils s’étaient inscrits dans une matière particulière, ont fourni certaines informations. On a principalement demandé aux étudiants de justifier pourquoi ils devraient rester inscrits dans le programme qu’ils avaient choisi étant donné qu’ils avaient échoué dans de nombreuses matières. Le tableau 3 indique que le nombre de motifs ou justifications avancés par les élèves est resté relativement le même de 2006 à 200813. Le projet du MV a débuté en 2007. Quand il a été interrompu en 2012, on a pu constater une importante diminution des étudiants de première année dans la catégorie « justification » et dans celle « à risque ». On peut en conclure qu’après la mise en place de ce projet, les étudiants de première année ont été mieux informés et ont pu s’impliquer plus stratégiquement dans leurs études. Au cours de cette période (2006-2008), le seul changement qui s’est produit a été l’introduction du programme de MV. Il est donc pertinent d’attribuer ces succès à cette initiative. Ces succès ont été observés chez les étudiants de première année, par contre les étudiants des classes supérieures n’ont pas été aussi disciplinés. Se pourrait-il que le rôle du MV ait eu besoin d’être élargi ?
Jusqu’ici nous avons examiné le programme du MV sous l’angle d’une assistance à des étudiants rencontrant des difficultés scolaires. Il y a cependant une autre dimension à ce programme : il permettait d’identifier de manière précoce les étudiants à risque mais aussi d’aider ceux qui vivent des difficultés personnelles. Dans un environnement d’apprentissage mixte et en ligne, la diversité des problèmes peut être difficile à évaluer. Pourtant, l’initiative du MV a permis d’observer des modifications aux profils d’engagement d’un grand nombre d’étudiants à l’université de Newcastle et d’Avondale. Un suivi auprès de ces élèves a identifié le besoin d’un soutien émotionnel supplémentaire à la suite de deux graves accidents. Cela a été le MV qui a dirigé les étudiants vers les services appropriés nécessaires. Les élèves dévoilent rarement leurs problèmes personnels quand ils en rencontrent, mais les indices visuels fournis lors du repérage des profils d’engagement des étudiants par le MV avaient fortement aidé à identifier ces problèmes.
Conclusion
Le programme du MV mis en place, pendant neuf années, au Collège Avondale et à l’université de Newcastle, a connu un grand succès dans ces deux institutions. Des éléments de preuve confirment qu’il a rendu service aux étudiants, et plus particulièrement à ceux qui étudiaient dans des environnements mixtes ou en ligne. Des éléments de preuve suggèrent également une augmentation des étudiants aux antécédents scolaires dans des institutions universitaires non traditionnelles, particulièrement dans l’environnement en ligne, pendant la période où le programme du MV était en place dans ces deux institutions.
Un des arguments avancés par les professeurs – lorsque se présente l’option de mettre leurs cours en ligne – est qu’ils trouvent difficile d’enseigner sans pouvoir regarder leurs élèves dans les yeux. La réalité est que de plus en plus d’étudiants choisissent d’étudier en ligne. Il faudra donc que les concepteurs de cours et les professeurs développent des stratégies qui soutiendront efficacement la transition de ces élèves vers un tel environnement d’apprentissage.
Ces stratégies ont certainement besoin d’améliorations mais les chercheurs dans ce domaine continuent à étudier la forte capacité des systèmes d’analyse de la LMS qui, jusqu’à présent, ont été sous-utilisés. La littérature rapporte régulièrement les succès de ces systèmes qui enregistrent l’utilisation par les élèves de la LMS, grâce au repérage et à l’analyse des données analytiques en ligne.
Agudo-Peregrina et coll.14 ont cerné trois classifications d’interactions indépendantes du système : les interactions basées sur l’agent (d’élève à élève, d’élève à professeur, de l’élève avec le contenu) ; les interactions basées sur la fréquence d’utilisation (la plus utilisée – transmission du contenu ; moyennement utilisée – discussions ; évaluation de l’élève ; et rarement utilisée – sondages d’évaluation de la satisfaction du professeur ou des matières, instruction basée sur l’ordinateur) ; et une classification basée sur le mode de participation (interaction active ou passive). Ces chercheurs ont évalué la relation de chaque élément par rapport au rendement scolaire dans deux différentes modalités d’apprentissage (mixte ou en ligne) et ont développé un outil d’extraction et de notification intégré pour que la LMS classe automatiquement les interactions dans la catégorie appropriée.
Les résultats ont révélé que le succès scolaire des étudiants était relié à une interaction active dans chaque système de classification mais seulement dans le cas d’un apprentissage en ligne. Il n’était pas relié à l’apprentissage mixte. Les systèmes de LMS ont donc un vaste potentiel. Récemment, comme Cerezo et coll.15 l’ont effectivement souligné, les avancées dans l’extraction et l’étude de données éducatives dans la LMS peuvent assister, identifier, et prédire les styles d’apprentissage des étudiants, les efforts investis, et la réussite scolaire.
Ces deux exemples le démontrent, l’application des analyses de la LMS ont un énorme potentiel et peuvent enrichir l’enseignement, et au final, améliorer la capacité de soutenir efficacement et avec succès les étudiants. Tout cela se présente à nous, administrateurs de programmes et chercheurs. La possibilité d’identifier les étudiants qui éprouvent des difficultés, et de simplement reconnaître leur impasse en posant une question : « Tout se passe-t-il bien ? » – et cela avant d’y répondre ou de les diriger vers une aide supplémentaire appropriée – offre aux enseignants dans les environnements mixte et en ligne, l’aptitude de presque les regarder dans les yeux.
Cet article a été revu par des pairs.
Référence recommandée :
Anthony Williams, Maria Northcote, Peter Kilgour and Ben Stewart, “UNE INTITIATIVE DE SOUTIEN AUX ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE ET AUX ÉTUDIANTS À RISQUE : LE PROGRAMME DE MENTORAT VIRTUEL,” Revue d’éducation adventiste 45:1 (Janvier–Mars, 2018). Disponible à https://www.journalofadventisteducation.org/fr/2018.3.5.
NOTES ET RÉFÉRENCES
- Keri-Lee Krause, “The Changing Face of the First Year: Challenges for Policy and Practice in Research-led Universities.” Communication présentée au séminaire sur l’expérience de la première année à l’Université du Queensland, Queensland, Australie, 31 octobre 2005 : https://www.griffith.edu.au/__data/assets/pdf_file/0007/39274/UQKeynote2005.pdf; Craig McInnis et coll., “Non-completion in Vocational Education and Training and Higher Education: A Literature Review Commissioned by the Department of Education, Training, and Youth Affairs,” University of Melbourne Centre for the Study of Higher Education (CSHE) (2000).
- Vincent Tinto, “Taking Retention Seriously: Rethinking the First Year of College,” NACADA Journal 19:2 (automne 1999): 5-9; Mantz Yorke, “The Quality of the Student Experience: What Can Institutions Learn From Data Relating to Non-completion?” Quality in Higher Education 6:1 (avril 2000): 61-75.
- Plus de 4000 étudiants inscrits dans sept universités en Australie ont été sondés en rapport avec leurs attitudes et comportements au cours de leur première année d’université. L’étude cherchait également à identifier les habitudes qui ont permis aux étudiants de s’habituer à la vie universitaire et comment ils jugeaient la qualité de cette expérience. Les chercheurs ont voulu cerner les tendances sur une période de cinq ans. Ce rapport des tendances est publié tous les cinq ans, la publication la plus récente datant de 2015. Voir Craig McInnis, Richard James, et Robyn Hartley, Trends in the First-year Experience in Australian Universities (Canberra, Australia: Department of Education, Training, and Youth Affairs, 2000): http://melbournecshe.unimelb.edu.au/__data/assets/pdf_file/0008/1670237/FYE.pdf ; Anne Pitkethly et Mike Prosser, “The First Year Experience Project: A Model for University-wide Change,” Higher Education Research and Development 20:2 (juillet 2001): 185-198.
- McInnis, Trends in First-year Experience in Australian Universities.
- Kerri-Lee Krause et coll., The First-year Experience in Australian Universities: Findings From a Decade of National Studies (Barton, Australia: Commonwealth of Australia, Department of Education, Science, and Training, 2005). Ce rapport présente les résultats d’une étude basée sur 2344 répondants, et les changements des rapports sur une période de 10 ans. Ce rapport des tendances est publié tous les cinq ans, la publication la plus récente datant de 2015.
- Vincent Tinto, Anne Goodsell-Love, and Pat Russo, “Building Community,” Liberal Education 79:4 (automne 1993): 16-22; Chun-Mei Zhao and George D. Kuh, “Adding Value Learning Communities and Student Engagement,” Research in Higher Education 45:2 (mars 2004): 115-138.
- Krause et coll., The First Year Experience in Australian Universities: Findings From a Decade of National Studies.
- Alf Lizzio, “Designing an Orientation and Transition Strategy for Commencing Students.” Communication présentée à la Griffith University, Gold Coast, Australie, 2006.
- Ibid.
- Jennifer Masters et Sharn Donnison, “First-year Transition in Teacher Education The Pod Experience,” Australian Journal of Teacher Education (en ligne) 35:2 (mars 2010): 87.
- Dongho Kim et coll., “Toward Evidence-based Learning Analytics: Using Proxy Variables to Improve Asynchronous Online Discussion Environments,” The Internet and Higher Education 30 (juillet 2016): 30-43.
- Anthony Williams et Willy Sher, “Using Blackboard to Monitor and Support First-year Engineering Students.” Communication présentée à la 18e Annual Australasian Association for Engineering Education Conference, Melbourne, Australie, 2007: http://conference.eng.unimelb.edu.au/aaee2007/papers/paper-34.pdf.
- Aucun accès aux données au-delà de 2008. C’est à cette date que la collecte de données pour déterminer la viabilité de l’initiative s’est terminée.
- Ángel F. Agudo-Peregrina et coll., “Can We Predict Success From Log Data in VLEs? Classification of Interactions for Learning Analytics and Their Relation With Performance in VLE-supported F2F and Online Learning,” Computers in Human Behavior 31 (février 2014): 542-550.
- Rebecca Cerezo et coll., “Students῾ LMS Interaction Patterns and Their Relationship With Achievement: A Case Study in Higher Education,” Computers & Education 96 (mai 2016): 42-54.