Perspectives | Theodore N. Levterov

Partager l’adventisme en classe :

Enseigner la religion à l’université de Loma Linda (Californie) est un défi à relever, mais absolument passionnant. D’une part, le défi est que pour la plupart de mes étudiants la religion n’est pas leur  principale préoccupation. Ils se sont inscrits à l’université pour devenir des professionnels de la santé : médecins, infirmiers/ères, pharmaciens et autres spécialistes de la santé. D’autre part, c’est passionnant parce que les étudiants qui viennent à l’université sont issus d’horizons différents et de diverses traditions religieuses.  Chaque étudiant, indépendamment de son programme d’études ou de son contexte religieux, est tenu de prendre un cours de religion par année. Bien sûr, l’université de Loma Linda n’est pas la seule université à avoir cette exigence.

Le contexte

L’université de Loma Linda (LLU) fait partie du système éducatif adventiste du septième jour mondial. Elle met l’accent sur l’aspect holistique dans ses programmes d’études à tous les niveaux – en d’autres mots, l’éducation doit impliquer le développement de la personne toute entière, soit physiquement, mentalement, spirituellement, et socialement. Le programme d’études de l’université est conçu pour faciliter intentionnellement la croissance des étudiants dans ces domaines, et les étudiants sont encourager à développer non seulement leurs compétences académiques mais aussi leurs capacités émotionnelles et spirituelles.

Demander à des professionnels1 de prendre des cours de religion au milieu de leur horaire  académique déjà lourd et contraignant est une requête majeure. J’ai trouvé que nombre de mes étudiants se demandent (tout au moins initialement) pourquoi ils doivent suivre de tels cours. Leur réaction serait peut-être différente s’ils savaient  qu’au début des années 1900, le programme d’études requis pour les premiers étudiants en médecine du College of Medical Evangelists (son nom a été changé en Loma Linda University en 1961) comprenait  principalement des cours de religion et très peu de cours de médecine2. Cela dit, le défi reste réel.

De plus, étant donné que les étudiants inscrits à l’université viennent des quatre coins du monde, les classes comportent un mélange d’étudiants de différentes traditions religieuses – catholiques et protestantes, d’autres traditions chrétiennes, mormones, hindoues, bouddhistes et musulmanes – pour n’en mentionner que quelques-unes3. Même les étudiants qui sont adventistes diffèrent dans leur engagement et leur compréhension de leur propre confession. Pour compliquer les choses, il n’est pas inhabituel que quelques étudiants soient athées ou agnostiques.

Jusqu’à présent, mes cours ont porté sur l’histoire adventiste et les traditions de santé adventistes. La question se pose donc : comment présenter de tels sujets à un groupe d’étudiants aussi diversifié et dont quelques-uns n’ont pas d’intérêt particulier dans la religion ou l’adventisme ? Se pourrait-il que nos salles de classes soient devenues des « champs missionnaires » ? Ou comme l’a demandé récemment Richard Hart, le président de LLU : « Le temps est-il venu d’inviter ouvertement les étudiants d’autres confessions religieuses à rejoindre nos campus alors que nous cherchons à partager notre message et à renforcer notre offre académique4? »

Je ne crois pas que la salle de classe est un lieu de prosélytisme ou que mon travail consiste à faire de mes étudiants des adventistes, mais je crois que c’est mon obligation de partager et présenter l’adventisme pour ce qu’il est et de sensibiliser mes étudiants à ma tradition de foi de la meilleure façon possible. Après tout, j’ai personnellement décidé d’être un adventiste du septième jour, et mes étudiants doivent savoir pourquoi j’ai posé ce choix et pris cet engagement. Les principes suivants sont tous au cœur de l’éducation adventiste : la nature du caractère de Dieu et comment ce dernier se révèle dans la Bible et la nature, le plan de la rédemption conçu pour restaurer la relation de l’humanité avec Dieu, embrasser une vie de service envers les autres, se préparer sur le plan scolaire pour répondre à l’appel de Dieu dans sa vie, et atteindre l’équilibre spirituel, mental, et physique5. Les professionnels formés dans une institution adventiste proposant un programme d’études conçu pour intégrer la foi chrétienne dans l’étude de la santé et des sciences6  devraient connaître l'impact de ces principes sur la vie de ceux qui les enseignent, et plus encore, le service qu’eux-mêmes rendront un jour aux autres.  Bien sûr, je dois admettre une certaine partialité puisque mes intérêts professionnels sont les études et l’histoire adventistes.

La question demeure donc :  comment partager l’histoire adventiste dans la salle de classe ? Pouvons-nous la rendre pertinente pour cette génération de jeunes au 21e siècle? Dans la section suivante, je présenterai trois approches que j’ai trouvées utiles en tentant d’enseigner le patrimoine adventiste de la santé à Loma Linda. Je conclurai ensuite avec quelques observations générales sur les raisons pour lesquelles ces perspectives peuvent être utiles pour présenter l’adventisme comme un chemin vers la spiritualité et une relation significative avec Dieu.

Partager l’adventisme en classe

Je donne principalement des cours d’histoire adventiste sur la santé, et pour rendre ces cours intéressants, informatifs et passionnants, mon expérience m’a enseigné d’utiliser trois grandes perspectives : la narration, l’authenticité, et l’expérience personnelle.

Cultiver l’art de la narration

Premièrement, j’ai utilisé une version mise à jour de la « nouvelle vieille technique » d’enseigner l’histoire adventiste au moyen d’histoires. Cette technique, que Jésus utilisait et qui est rapportée dans les quatre Évangiles, attirait et stimulait ses auditeurs. Nous apprenons dans le livre Les paraboles de notre Seigneur Jésus que grâce à ses histoires Jésus  « obtenait l’attention de ses auditeurs et les gravait dans leur cœur » 7.  Enseigner au moyen d’histoires présente plusieurs avantages. Premièrement, cela rend l’enseignement agréable. Deuxièmement, cela place l’information académique dans son propre contexte. Troisièmement, cela aide les étudiants à retenir, à apprendre et à se rappeler l’information de manière beaucoup plus efficace et efficiente. Comme l’a fait remarquer John Walsh, la majorité de notre public maintenant « pense en termes d’histoires, se souvient des histoires, et écoutera si vous racontez des histoires8 ».

Melanie C. Green, dont les recherches ont porté sur l’impact de la narration d’histoires sur les croyances individuelles, est d’accord : « Le pouvoir des histoires est reconnu depuis des siècles, et même aujourd’hui, à Hollywood et ailleurs, la narration d’histoires est une entreprise multimillionnaire. Les histoires sont un mode naturel de penser ; avant même que notre éducation formelle débute, nous tirions déjà des leçons des fables d’Ésope, des contes de fées, ou de notre histoire familiale. En fait, certains chercheurs ont même déclaré que toute connaissance se présente sous forme d’histoires… Bien que cette affirmation forte ait été mise en doute, on est généralement d’accord que les histoires sont une puissante structure pour organiser et transmettre l’information, et donner un sens à notre vie et à notre environnement9. »

Dans mon contexte particulier d’enseignement du patrimoine adventiste de la santé, j’ai observé qu’utiliser cette méthode aide les étudiants à comprendre le développement de la pensée adventiste sur le sujet de la santé et à apprécier les contributions adventistes à la santé et à un mode de vie sain. Cependant, ce qui est fascinant et nouveau, c’est qu’à travers l’histoire adventiste, je suis en mesure de partager des questions importantes qui concernent la moralité, l’éthique, la justice sociale, la culture, le service, et tellement d’autres choses. Bien sûr, au final, cela me permet de partager l’histoire supranaturelle de Dieu, et de guider mes étudiants vers la réalisation de leurs besoins spirituels – ou du moins d’en prendre conscience. Comme indiqué plus haut, il s’agit là d’un élément unique de la tradition éducative adventiste. Raconter des histoires est ainsi un outil utile pour accomplir d’importants objectifs éducatifs.

La seconde perspective que j’ai trouvée utile lorsque je présente l’adventisme en classe est en relation avec le concept qu’il faut être « réaliste ». Non seulement je raconte l’histoire adventiste, mais je partage aussi la « vraie histoire » de mon Église.

Être réaliste – Partager la vraie histoire

La seconde perspective que j’ai trouvée utile lorsque je présente l’adventisme en classe est en relation avec le concept qu’il faut être « réaliste ». Non seulement je raconte l’histoire adventiste, mais je partage aussi la « vraie histoire » de mon Église. Les adventistes du septième jour ont souvent tendance à idéaliser leur mouvement. (Pour être juste, c’est aussi la tentation de toute organisation ou groupe religieux. Prenez, par exemple, l’un des fondateurs et visionnaires principaux de l’Église adventiste du septième jour, Ellen G. White. Probablement à cause de son statut prophétique, son image est souvent mal représentée. Peut-être qu’en tant que membres d’église nous désirons fortement protéger sa réputation, et sans mauvaise intention nous avons créé ce saint personnage irréel et irréaliste auquel personne ne peut s’identifier. C’est ainsi que certains rejettent ses écrits et déclarent qu’elle n’est plus pertinente. Il y a aussi ceux qui amplifient ses écrits au-delà de leur signification prophétique légitime. Ces deux perspectives sont préjudiciables à l’adventisme et à sa mission.

Il est important de partager l’histoire adventiste, mais partager la vraie histoire de l’adventisme est infiniment plus important et essentiel pour expliquer notre patrimoine aux membres de notre Église et au monde. Je partage souvent avec mes étudiants la relation conjugale d’Ellen White avec son mari James White. S’ils s’aimaient tendrement, comme dans toutes les familles ils avaient aussi leurs luttes personnelles. Ainsi, en 1876, James était dans l’est des États-Unis et faisait de l’évangélisation tandis qu’Ellen était restée dans l’ouest. Si l’on en juge d’après certains messages qu’Ellen White a écrit à son amie Lucinda Hall, nous pouvons en conclure qu’ils sont passés par des désaccords majeurs. En fait, Ellen et James White envisageaient de vivre et de travailler séparément l’un de l’autre (au moins pour un temps) car ils estimaient ne pas pouvoir tolérer la compagnie de l'autre. Le ton de ces lettres était tout sauf chrétien. Il fallut plusieurs correspondances pour qu’Ellen réalise qu’elle avait besoin de s’excuser auprès de son mari et lui demander pardon. Elle a aussi demandé à son amie Lucinda de brûler les lettres car elle avait honte de les avoir écrites10.

Ce que je veux dire, c'est que raconter la vraie histoire aide les étudiants à s’identifier correctement à l’histoire adventiste et, par conséquent, l’appliquer et la relier à leur propre histoire. Après tout, l’honnête réalité de l’histoire adventiste révèle le principe que Dieu est plus que prêt à travailler avec des gens imparfaits et en difficulté qui ont désespérément besoin de lui et de sa grâce étonnante. Or, cela est la « bonne nouvelle » que nous trouvons dans les Écritures. En fait, cela doit être au cœur de toute évangélisation que nous tentons de faire. L’histoire adventiste n’est pas une histoire parfaite11, mais c’est exactement pourquoi elle peut, si celle-ci est présentée de manière précise, être attrayante et séduisante pour les étudiants et les gens en général.

Mettre les étudiants au défi de faire l'expérience de Dieu

Ma troisième perspective est en relation avec le point ci-dessus. J’encourage mes étudiants de faire l’expérience de Dieu personnellement avant de porter un jugement quelconque sur l’importance de la spiritualité dans leur propre vie. Ma logique est simple : « Vous ne pouvez pas évaluer un chocolat avant de l’avoir goûté. » Dans un contexte adventiste, un tel test est logique.

Écrivant sur le sujet de l’éducation au début des années 1900, Ellen White remarquait que son premier objectif était (et devait toujours être) d’amener les étudiants à entrer dans une relation personnelle avec Dieu. Dans le cadre de l’histoire de la grande controverse, elle a écrit : « Si l’on y réfléchit profondément, on comprend qu’éducation et rédemption sont une seule et même chose… L’effort fondamental et l’objectif constant du maître devraient être d’aider l’élève à les appréhender et à engager avec le Christ une relation qui fera de ces principes une force de vie. Le maître qui accepte cet objectif est réellement un collaborateur du Christ, un ouvrier avec Dieu12. »

Au-delà de cela, elle voyait la révélation ultime de la véritable éducation dans le service pour le bien de l’humanité (ou ce que nous appelons la « mission » aujourd’hui). « Nos idées en matière d’éducation sont trop étroites, trop limitées…  La véritable éducation implique bien plus que la poursuite de certaines études. Elle implique bien plus qu’une préparation à la vie présente. Elle intéresse l’être tout entier, et toute la durée de l’existence qui s’offre à l’homme. C’est le développement harmonieux des facultés physiques, mentales et spirituelles. Elle prépare l’étudiant à la joie du service qui sera le sien dans ce monde, et à la joie plus grande encore du vaste service qui l’attend dans le monde à venir13. »

Dans le droit fil de cette pensée, je demande à mes étudiants de lire le livre Le ministère de la guérison d’Ellen White. L'avantage en est double : aider les étudiants à comprendre l'intérêt du livre pour eux, ainsi que pour LLU. Premièrement, cette publication datée de 1905, est une compilation de plusieurs écrits d’Ellen White sur la santé et la prévention des maladies, devait être à l’origine un livre dont les profits seraient utilisés pour apporter un soutien financier et un allègement de la dette aux sanatoriums adventistes14. Ce qui est maintenant l’université de Loma Linda (LLU) avait d’abord été Loma Linda Sanatorium qui, plus tard, est devenu le College of Medical Evangelists (CME) où infirmiers/ères et médecins étaient formés. Quand CME est devenu LLU, le programme d'études élargi comprenait des études supérieures et des formations dans divers domaines des sciences de la santé. Deuxièmement, le livre explique la philosophie adventiste générale de la santé et sa relation avec la mission. Étonnamment, (ou peut-être ce n’est pas si étonnant que ça), ce livre a eu une énorme influence sur nombre de mes étudiants de LLU alors qu’ils lisaient et étudiaient l’histoire adventiste de la santé et de la vie saine. Ainsi, permettez-moi de partager avec vous quelques-unes de leurs réponses, avant de conclure avec quelques remarques sur comment les enseignants peuvent appliquer les principes ci-dessus à l’évangélisation des jeunes sur les campus universitaires d’aujourd’hui.

À la fin de mes cours, je demande aux étudiants de répondre à cette question : Comment, pensez-vous, que le fait de connaître l’histoire adventiste de la santé aura un impact sur votre future pratique médicale et/ou votre vie personnelle15 ? Un étudiant chrétien a écrit :

« Avant de fréquenter l’université de Loma Linda, je ne connaissais pas grand-chose des adventistes du septième jour, de leur mission ni de leurs activités. Depuis mon entrée dans cette école, mes contacts avec des camarades de classe adventistes, et bien sûr, après avoir suivi ce cours sur l’histoire adventiste, j'en suis venu à apprécier grandement la mission adventiste et à comprendre la signification de ‘’rétablir l’homme dans son intégralité’’. Je raffole vraiment de l’approche globale de la santé – corps, âme et esprit. Comme Ellen White le souligne dans son livre Le ministère de la guérison, les trois entités sont interreliées et être malade dans un domaine affectera également tous les autres… Ce cours a été très agréable car il a permis de comprendre pourquoi LLU a pour devise : ‘’Rétablir l’homme dans son intégralité’’… et pourquoi notre éducation même est structurée de cette manière. Ce cours m’a permis d’apprécier plus encore d’avoir fait mes études ici. »

Un autre étudiant, pas particulièrement religieux, a noté :

« J’ai abordé ce cours en étant très sceptique à l’égard d’un cours de religion car je considère ne pas faire partie d’une religion quelconque… Au fur et à mesure que la classe progressait de semaine en semaine et que je commençais à comprendre la philosophie adventiste, je me suis trouvé être de plus en plus d’accord [avec elle]. Je crois que ce cours a énormément fortifié ma relation avec Dieu. Particulièrement, ayant lu Le ministère de la guérison – le concept de la prière est devenu plus clair pour moi comme connexion personnelle avec Dieu…J’ai l’intention d’introduire la prière dans ma [future] pratique médicale. »

Voici un court extrait d’un étudiant non chrétien :

« En prenant ce cours, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait ou de la façon de le relier à mon futur métier. Allait-il être un cours d’histoire ennuyant qui énumère dates après dates dans un ordre chronologique ? Je le redoutais. Cependant, vers le milieu du cours, j’ai commencé à m’y intéresser et j’ai commencé à réaliser que tous ces principes de santé pouvaient s’appliquer à moi et à mon futur métier. Des sujets comme une vie équilibrée et la globalité sont absolument essentiels en physiothérapie. En tant que kinésithérapeute, j’essaie de penser à des soins préventifs plutôt qu’à un traitement immédiat des symptômes. Cela recoupe absolument les principes que les adventistes du septième jour suivent… Savoir comment vivre une vie équilibrée sera à la longue bénéfique pour moi et mes patients. »

Et voilà une autre réponse d’un étudiant adventiste :

« Ce cours m’a donné une vision plus saine des pratiques adventistes, des raisons qui les sous-tendent et du message sur la santé. En fait, je suis né dans l’Église adventiste, mais je n’ai pas grandi en fréquentant des écoles adventistes. Mes parents et mon église m’ont parlé de Dieu et de la Bible, mais je dois confesser que je ne connaissais pas grand-chose au contexte de ma propre Église… Ce cours m’a aidé à réfléchir à mes propres croyances et examiner le raisonnement qui explique pourquoi j'ai toujours vécu d'une certaine manière. Alors que je grandissais, souvent les croyances adventistes me semblaient être des règles ridicules – ne pas pouvoir aller à la fête d’anniversaire d’un copain le vendredi soir ou ne pas manger une pizza au saucisson. Après avoir beaucoup lu et réfléchi aux écrits d’Ellen G. White (ce que je ne faisais pas beaucoup avant), j’ai réalisé qu’il y avait une raison à tout cela… Il s’agit de choisir de vivre une vie meilleure, de pouvoir maintenir une meilleure relation avec Christ, de pouvoir mieux accomplir l’œuvre de Dieu. Je pense aux nombreuses choses qui auront de la valeur pour moi car je veux vivre une vie qui sert Dieu, et ce cours non seulement m’a aidé à apprendre comment le faire, mais il m’a aussi encouragé à le faire. »

Conclusions : Perspectives sur l’identité adventiste

On peut tirer plusieurs conclusions découlant des expériences que j’ai eues avec mes étudiants. Je crois que l’histoire adventiste peut aider les étudiants dans leur recherche d’une expérience spirituelle profonde avec Dieu.

Premièrement, l’enseignement de l’histoire adventiste peut aider les jeunes à développer un sentiment d’identité.  Savoir qui ils sont donne aux gens un sentiment d’appartenance, un sentiment de faire partie d’une communauté – de quelque chose de plus grand que leur propre personne. Richard Rice avait raison de remarquer que « la communauté est l’élément le plus important de l’existence chrétienne. Croyance, comportement et appartenance sont essentiels dans la vie chrétienne, mais l’appartenance est plus importante et plus fondamentale que les deux autres16 ». En fait, la première Église du christianisme a grandi rapidement parce que les croyants appartenaient à une communauté qui se souciait les uns des autres (voir Actes 2.46 et 4.32 ; Galates 6.10).

Deuxièmement, l’histoire adventiste peut être utilisée comme un outil pour enseigner les croyances et les pratiques bibliques. Par exemple, l’histoire adventiste est fascinante car elle tente de rassembler les deux préoccupations majeures de Jésus – l’avenir et le présent. D’une part, Jésus enseignait aux gens le royaume de Dieu à venir – l’avenir. D’autre part, il se préoccupait constamment des gens et de leurs besoins actuels – le présent. Il est remarquable qu’Ellen White a mis l’accent sur  le fait que « Jésus consacrait plus de temps à guérir les malades qu’à prêcher17 ».

L’adventisme a les mêmes deux préoccupations. La seconde venue de Jésus est une croyance majeure de notre Église. Son importance est soulignée par le fait qu’elle se retrouve dans le nom de notre Église. Ce concept est particulièrement réconfortant car il donne espoir et sens à un monde qui subit souffrances, injustices et peurs à cause du péché et de ses conséquences. Cependant, les adventistes se préoccupent aussi de la vie ici et maintenant. Il n’est pas accidentel, je pense, que le système de santé et le système d’éducation de notre Église sont parmi les plus importants de toutes les dénominations protestantes18. Les missionnaires médicaux adventistes sont littéralement au service de l’humanité dans tous les coins du monde. Et cela fait partie de l’évangélisation adventiste. La connaissance de l’histoire adventiste est donc capitale pour l’identité et la mission d’un étudiant dans une école adventiste19.

Ce qui fait donc la particularité des adventistes du septième jour ce n’est pas leur grande connaissance biblique des prophéties ou leur théologie mais leur volonté de servir Dieu et de remplir sa mission en apportant l’Évangile éternel à un monde qui se meurt.

Troisièmement, le partage de l’adventisme nous rappelle l’importance d’être authentique et vrai. Être authentique, c’est permettre aux autres de voir notre vulnérabilité. De plus, cela bâtit la confiance. L’histoire adventiste est une histoire vraie de gens en butte à des luttes. Étonnamment, nous pouvons remarquer que le mouvement des « « gardiens du sabbat » a été lancé par des jeunes qui n’étaient pas parfaits, mais qui étaient pressés de servir Dieu malgré leurs défauts et leurs déceptions. Ce qui fait donc la particularité des adventistes du septième jour ce n’est pas leur grande connaissance biblique des prophéties ou leur théologie mais leur volonté de servir Dieu et de remplir sa mission en apportant l’Évangile éternel à un monde qui se meurt. Cette histoire est une histoire authentique, terre à terre, et à nos débuts, une histoire de jeunes par des jeunes.

Une quatrième leçon est l’insistance sur l’expérience personnelle. De par sa nature profonde, la foi en Dieu ne peut pas être imposée aux gens quelle que soit la logique du raisonnement d’une personne. En fait, la logique ne peut pas expliquer pleinement le divin. Il s’ensuit que les réalités spirituelles ne peuvent pas être imposées, il faut qu’on en fasse l’expérience. L’authentique adventisme, par son essence même (et son histoire), encourage jeunes et moins jeunes à prendre le temps de faire l’expérience de Dieu pour eux-mêmes afin de prendre une décision intelligente à son sujet.

Je crois donc que l’histoire adventiste peut être un fantastique outil pour présenter la foi des générations plus jeunes. Les jeunes sont attirés par les communautés de personnes qui ont la même mentalité et qui ont des histoires qui ressemblent aux leurs. Ils sont aussi prêts à écouter ceux qui sont vrais et authentiques et qui n’apprécient pas le manque de naturel – ceux qui désirent découvrir les choses par eux-mêmes. Les éducateurs adventistes feraient bien de travailler avec ces principes à l’esprit.


Cet article a été revu par des pairs.

Theodore N. Levterov

Theodore N. Levterov, Ph.D., est professeur associé de religion et d'études théologiques à la faculté de religion de l'université de Loma Linda, en Californie. Il est titulaire d'une licence en théologie du Newbold College, à Bracknell, en Angleterre, et d'un doctorat en médecine et en théologie du séminaire adventiste du septième jour de l'université Andrews à Berrien Springs, dans le Michigan. En plus de son ministère d'enseignement, T. Levterov a également été pasteur en Bulgarie et aux États-Unis, et a été directeur de la filiale Ellen White Estate sur le campus de l'université de Loma Linda.

Référence recommandée :

Theodore N. Levterov : Partager l’adventisme en classe : leçons tirées de l’enseignement de la religion à l’université de Loma Linda, Revue de l’éducation adventiste, n°55.

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. L'université de Loma Linda forme les futurs professionnels de la médecine avec des programmes qui intègrent de manière unique la foi chrétienne à l'étude de la santé et des sciences. Visitez https://home.llu.edu/programs pour consulter les programmes d’études complets proposés.
  2. Pour en savoir plus sur les raisons pour lesquelles des cours de religion sont exigés dans les programmes d'études supérieures adventistes, voir Gerald R. Winslow, “Why the Study of Religion Belongs in Adventist Graduate Programs,” The Journal of Adventist Education 68:3 (février/mars 2006): 27-32:  http://circle.adventist.org/files/jae/en/jae200668032706.pdf; et Mark F. Carr, “Commonality and Character: Essential Elements of Religious Instruction,” ibid. 68:5 (été 2006): 15-20: http://circle.adventist.org/files/jae/en/jae200668051506.pdf; et Michael E. Cafferky, “The Study of Religion in Graduate Degree Programs: Opportunities and Structural Issues, ” ibid. 76:5 (été 2014): 30-36:  http://circle.adventist.org/files/jae/en/jae201476053007.pdf.
  3. Le recrutement d'étudiants non adventistes est déjà la norme dans l'enseignement supérieur adventiste en dehors de l'Amérique du Nord. Les données montrent aussi clairement que les collèges et universités adventistes d'Amérique du Nord ont commencé à aller dans la même direction. Au lieu d'être des centres d'apprentissage destinés principalement aux adventistes, nos campus accueillent de plus en plus d'étudiants d'autres traditions religieuses.
  4. Voir General Conference Office of Archives, Statistics, and Research, 2019 Annual Statistical Report (Silver Spring, Md.: General Conference of Seventh-day Adventists, 2019): https://documents.adventistarchives.org/Statistics/ASR/ASR2019.pdf, 56-60; et Jared Wright, “Recruiting Non-Adventist Students Already the Norm in Adventist Higher Education,” Spectrum (26 avril 2017): https://spectrummagazine.org/article/2017/04/26/recruiting-non-adventist-students-already-norm-adventist-higher-education.
  5. Richard Hart, “Being Distinctive or Being Inclusive?” Notes From the President (6 avril 2017): https://myllu.llu.edu/newsoftheweek/story/?id=30218.
  6. Humberto Rasi et coll., “A Statement of Seventh-day Adventist Educational Philosophy” (avril 2001): https://education.adventist.org/wp-content/uploads/2017/10/A_Statement_of_Seventh-day_Adventist_Educational_Philosophy_2001.pdf.
  7. Loma Linda University, “Mission and Values” (n.d.): https://home.llu.edu/about-llu/mission-and-values.
  8. Voir Ellen G. White, Christ’s Object Lessons (Washington, D.C.: Review and Herald, 1941), 21. Voir aussi Barbara J. Fisher, “Bible Stories in the Classroom: The Why and How,” The Journal of Adventist Education 77:1 (octobre/novembre 2014): 24-31: http://circle.adventist.org/files/jae/en/jae201477012408.pdf; et Charles Teel, Jr., “Mission Stories and the Adventist Future: Fernando and Anna Stahl as a Case Study,” The Journal of Adventist Education 53:2 (octobre 1990-janvier 1991): 16-46: :  http://circle.adventist.org/files/jae/en/jae199053021606.pdf.
  9. John Walsh, The Art of Storytelling: Easy Steps to Presenting an Unforgettable Story (Chicago, Ill.: Moody Publishers, 2014), 21.
  10. Melanie C. Green, “Storytelling in Teaching,” Observer 17:4 (avril 2004): https://www.psychologicalscience.org/observer/storytelling-in-teaching.
  11. Voir les lettres d’Ellen White à Lucinda Hall, les 10 mai, 12 mai, 16 mai, 17 mai 1876, Heritage Research Center, Loma Linda University, California (Lt 64, 1876: https://m.egwwritings.org/es/book/3508.1#0). Pour plus de contexte, voir Ellen G. White, Daughters of God: Messages Especially for Women (Hagerstown, Md.: Review and Herald, 1998), 263-275 et Gilbert M. Valentine, J. N. Andrews: Mission Pioneer, Evangelist, and Thought Leader (Nampa, Idaho: Pacific Press, 2019).
  12. Voir les livres de George R. Knight  From 1888 to Apostasy: The Case of A. T. Jones (Hagerstown, Md.: Review and Herald, 1987); I Used to Be Perfect: A Study of Sin and Salvation (Berrien Springs, Michigan: Andrews University Press, 2001); et The Pharisee’s Guide to Perfect Holiness: A Study of Sin and Salvation (Boise, Idaho: Pacific Press, 1992). 
  13. Ellen G. White, Education (Mountain View, Calif.: Pacific Press, 1952), 30.
  14. Ibid., 13.
  15. Edwin Rubin Palmer, “Relief for Our Sanitariums,” Adventist Review and Sabbath Herald 82:36 (7 septembre 1905): 18: https://documents.adventistarchives.org/Periodicals/RH/RH19050907-V82-36.pdf; Loma Linda University, “History,” (n.d.): https://medicine.llu.edu/about/history; Loma Linda University, “Timeline,” (n.d.): https://home.llu.edu/about-llu/history/timeline.
  16. Ces réponses proviennent d'une dissertation que je demande aux étudiants de rédiger dans le cadre de leur examen final pour le cours « Patrimoine adventiste et santé ». J'ai conservé les réponses originales des étudiants et les ai reproduites ici.
  17. Richard Rice, Believing, Behaving, Belonging: Finding New Love for the Church (Roseville, Calif.: Association of Adventist Forums, 2002), 6.
  18. Ellen G. White, The Ministry of Healing (Mountain View, Calif.: Pacific Press, 1905), 19.
  19. General Conference Department of Education, “Seventh-day Adventist Education Statistics” (2018): https://education.adventist.org/education-statistics/; ASTR, “Quick Statistics on the Seventh-day Adventist Church” (2018): https://www.adventistarchives.org/quick-statistics-on-the-seventh-day-adventist-church.
  20. Il est intéressant de noter que lors des Conseils de printemps et d'automne 2018 du Comité exécutif de la Conférence générale, un temps a été réservé aux témoignages personnels abordant la question « Qui sommes-nous et pourquoi sommes-nous ici ? »