Meilleures Pratiques au Travail | Anthony Bosman • Adam Heck

COMPRENDRE ET CULTIVER LA RÉSILIENCE MATHÉMATIQUE CHEZ LES ÉTUDIANTS

Jackson1 n’a jamais vraiment aimé les mathématiques. Quand, en classe, il ne comprend pas un concept (et cela arrive souvent), il fait des blagues, dérange un ami, ou trouve une autre façon de se retirer du cours. Il fait rarement ses devoirs et quand il en rend un, il a une mauvaise note. Quant aux évaluations, elles sont médiocres. 

Jennifer est assise non loin de Jackson mais elle fait son travail sans se plaindre. Elle non plus n’aime pas les mathématiques. Elle ne voit pas à quoi elles servent mais elle ne veut pas avoir de mauvaise note. Pour elle, les maths c’est quelque chose dont elle doit se débarrasser pour avoir le temps de faire d’autres choses plus intéressantes.

Marcus, qui trouve les maths super faciles, est assis à l’arrière de la classe. Comme il éprouve rarement des difficultés, il fait son travail rapidement et passe à autre chose. Il ne voit pas trop à quoi ça sert les maths, mais comme il est bon, il a d’excellentes notes.

Les enseignants de mathématiques ont pour rôle, en partie, de susciter chez les étudiants un intérêt dans cette matière, une compréhension de son applicabilité, et la confiance qu’ils peuvent arriver à maîtriser ce sujet. En tant qu’éducateurs, nous devons inculquer une résilience mathématique qui encouragera les étudiants dans leurs futurs cours de maths2 et leur future carrière, et même pour toute leur vie.

Les trois exemples donnés au début de cet article décrivent des élèves qui ont chacun une faible résilience mathématique. Certains vont manifester leur manque de résilience ouvertement, comme Jackson, qui agit de façon inappropriée dès qu’il rencontre un concept qu’il croit ne pas pouvoir maîtriser. D’autres étudiants manifestent leur manque de résilience de façon plus discrète, comme Jennifer qui ne réagit pas mal mais considère que ce sujet est sans intérêt.  Pour d’autres comme Marcus3, leur manque de résilience se révèlera lors de cours futurs dont les concepts ne seront pas aussi faciles à comprendre.

Borman et Overman4 définissent la résilience comme un processus de développement qui conduit à de meilleures performances scolaires en dépit de l’adversité qui s’y oppose. De nombreux auteurs ont offert des définitions similaires de la résilience et ils ont partagé des idées sur comment surmonter l’adversité.

Il est important de considérer plusieurs concepts lorsque l’on veut développer la résilience mathématique chez les étudiants.

Des étudiants discutent de concepts mathématiques avec le professeur Adam Keck. Photo de courtoisie de la Southern Adventist University.

Premièrement, il faut reconnaître que la résilience n’est pas quelque chose que l’on a ou que l’on n’a pas. La résilience peut être favorisée ou entravée en fonction des relations interpersonnelles et du soutien social5. Ce sont nous, les enseignants, qui portons la plus grande responsabilité pour le développement de la résilience scolaire chez nos étudiants, étant donné que nous sommes le contact interpersonnel direct qu’ils ont dans la classe. D’autres personnels éducatifs, les adultes dans leur vie et les camarades, jouent également un rôle important6.

Deuxièmement, nous faisons la différence entre un état d'esprit fixe et un état d'esprit de croissance. Un état d’esprit fixe considère qu’une personne a une capacité immuable d’apprentissage. Cette idée est souvent généralisée par rapport aux maths et repérable avec des déclarations dénigrantes telles que : « Je ne suis pas un matheux » ou « jamais je ne comprendrai cela. » Un étudiant résilient en maths  manifeste un état d’esprit de croissance et croit que son manque de compréhension présent a le potentiel de changer, et que ce changement peut être le résultat d'un travail visant à acquérir une plus grande expertise7.

Troisièmement, la résilience se développe dans l’adversité. Un cours qui ne met pas les étudiants au défi de manière significative et ne les expose pas à des problèmes qu’ils ne savent pas immédiatement résoudre ne produira pas la ténacité nécessaire pour résoudre des problèmes de niveau supérieur.

Goodall et Johnston-Wilder8 ont identifié trois zones – en se basant sur la zone proximale de développement de Vygotsky – qui sont utiles ici. La zone la plus intérieure appelée la zone de confort est la zone sécuritaire dans laquelle un étudiant n’est pas mis au défi et se sent à l’aise de survoler la matière avec très peu d’aide extérieure. La zone la plus extérieure, classée comme la zone de danger, est caractérisée par des difficultés extrêmes et un stress élevé pour l’apprenant. Elle peut souvent conduire à une réponse de lutte, de fuite ou de gel. Aucune de ces deux zones ne mène au développement de la résilience – ni d’ailleurs à un apprentissage important. C’est dans l’espace entre ces deux zones, nommé « zone de croissance » par Goodal et Johnston-Wilder, que se fait l’apprentissage et que la résilience se développe. La zone de croissance offre suffisamment de défi académique et un environnement qui permet l’exploration sécuritaire d’un sujet ainsi que la liberté de poser des questions.

Il est rare que la résilience se développe dans des environnements hostiles. Un étudiant qui se sent menacé, jugé, inadéquat ou non apprécié par l’enseignant aura peu de désir d’investir le travail nécessaire pour développer de la résilience mathématique. Cependant, les étudiants qui fréquentent une école caractérisée par un environnement sécuritaire et ordonné et qui ont une relation positive avec leurs enseignants ont tendance à développer des niveaux supérieurs de résilience10.

Dans la suite de cet article, nous offrons des idées pour des activités et des pratiques qui peuvent susciter la résilience académique chez les étudiants. Lisez, mais gardez à l’esprit que plus important que toute activité ou pratique est le développement d’un environnement sûr, bienveillant et ordonné où un élève peut apprendre. Aucune activité ni pratique ne peut remplacer un enseignant qui donne à ses élèves le sentiment d’être aimés et valorisés.

1. Échelle de résilience mathématique. L’échelle de résilience mathématique est une enquête validée par la recherche qui permet d'évaluer les attitudes des élèves qui contribuent à la résilience mathématique11.  Les étudiants doivent indiquer leur niveau d’accord avec les déclarations sur leur perception de la valeur des mathématiques, la nécessité de lutter dans l’apprentissage des maths, et la possibilité de croissance dans l’aptitude mathématique. Les déclarations de valeur comprennent : « Les cours de maths sont très utiles peu importe ce que je décide d’étudier » et « le raisonnement mathématique peut m’aider dans les choses qui comptent pour moi ». Les déclarations de lutte comprennent : « Tout le monde lutte avec les maths à un moment donné » et « pour être bon en maths, il est nécessaire de faire des erreurs ». Les déclarations de croissance comprennent : « Tout le monde peut apprendre les maths » et « tout le monde peut s’améliorer en maths ». Les éducateurs peuvent utiliser de tels outils pour les aider à mesurer les attitudes des étudiants envers leurs cours et l’efficacité de diverses interventions.

2. Tâches à plancher bas et à plafond haut.

Une tâche à plancher bas et à plafond haut est une activité qui se veut accessible à tous les élèves (plancher bas) tout en s’élevant aussi à des niveaux supérieurs (plafond haut). L’activité permet aux étudiants de travailler à des rythmes différents et elle augmente leur confiance alors qu’ils apportent des contributions utiles au problème et qu’ils approfondissent leur compréhension du concept 12. Par exemple, on peut présenter aux étudiants un quadrillage 4x4 et leur demander de compter le nombre de façons de voyager du bas à gauche au haut à droite. Tous les étudiants peuvent s’attaquer à ce problème en réfléchissant à une manière systématique de compter les chemins et en recherchant des modèles. Le problème invite également à la généralisation pour mettre les élèves au défi de manière appropriée : considérez un quadrillage 5x5, 6x6 ou plus généralement un quadrillage n x n, ou même un quadrillage rectangulaire m x n.  Retenez que les tâches plancher bas et plafond haut sont conçues pour que « tous puissent débuter et que tous puissent être coincés »13.   Ainsi, tous les étudiants ont une occasion de faire l’expérience d’une épreuve mathématique et développer une résilience mathématique. Plusieurs tâches pour différents niveaux scolaires sont disponibles à youcubed® (voir https://www.youcubed.org/)14.

3. Notation basée sur la croissance. Les éducateurs peuvent aider les étudiants à développer un état d’esprit de croissance qui encourage la résilience15. Par exemple, la notation basée sur la maîtrise fait passer l'attention de l'obtention de points à la maîtrise des objectifs du cours avant la fin du semestre, en donnant aux étudiants de multiples occasions de démontrer leur maîtrise. Ce principe peut être introduit dans un cours avec un système de notation traditionnel en permettant aux étudiants de reprendre les problèmes manqués dans les devoirs ou les examens pour obtenir un crédit partiel, ou par le biais de plateformes d'apprentissage numérique qui donnent aux étudiants un retour instantané leur permettant d'essayer plusieurs fois. De la même façon, une notation de la deuxième chance permet aux étudiants de reprendre d’autres versions des quiz ou des examens tout au long du trimestre dans le but de démontrer leur maîtrise16.

Les enseignants devraient encourager un esprit de croissance quand ils discutent des notes avec les étudiants. Les faibles performances aux évaluations en mathématiques sont souvent liées à de l’anxiété mathématique et peuvent conduire à l’évitement17. Les enseignants peuvent intervenir en rappelant aux étudiants qu’il y aura d’autres occasions de démontrer leur maîtrise et en les encourageant de se concentrer sur le fait d’apprendre de leurs erreurs plutôt que de les interpréter comme un signe de leur manque de capacité. Un auteur de cet article (A.H.) a fait de l'échec réussi une petite partie de sa note globale de cours (5 %). Les étudiants gagnent ces points à la fin du trimestre en écrivant sur un moment où ils ont été confrontés à un revers ou à un échec décevant dans le cours et en racontant comment ils l’ont surmonté et en ont tiré parti. Savoir qu’ils doivent compléter ce travail pour gagner tous les points pour ce cours aide les étudiants à anticiper des revers et apprécier le rôle important de la résilience dans l’apprentissage.
4. Déclaration de caractère. Un des auteurs de cet article (A.B.) demande à ses élèves de réciter ensemble ou de signer cette déclaration de caractère avant chaque examen :

  • Je vais persévérer dans cet examen et faire de mon mieux.
  • Je vais pratiquer l’intégrité et ne pas donner ou recevoir d’aide non autorisée dans cet examen.
  • Je vais apprendre de mes erreurs et revoir l’examen noté lorsqu’il me sera rendu.
  • Je suis convaincu que je vaux infiniment plus que n’importe quelle note d’examen car j’ai été racheté à un prix infini (1 Corinthiens 6.20).

La déclaration de caractère rappelle aux élèves, à un moment où les enjeux sont importants, leur engagement en faveur de l’intégrité18, la persévérance et la croissance, et plus encore, leur valeur propre. Les éducateurs peuvent forger leurs propres déclarations en empruntant ou en adoptant la formulation ci-haut, ou développer avec leur classe une déclaration au cours d’une leçon sur la résilience mathématique au début du trimestre. Cette déclaration peut alors être incluse dans les devoirs importants et affichée sur un poster en classe.


Cet article a été revu par des pairs.

Anthony Bosman

Anthony Bosman, Ph.D,  est professeur adjoint de mathématiques à l'université Andrews (Berrien Springs, Michigan, États-Unis). Il est titulaire d'une licence de l'université de Stanford (Stanford, Californie, États-Unis) et d’un doctorat en mathématiques de l'université Rice (Houston, Texas). Le domaine de recherche d’ A. Bosman est la topologie à faible dimension, l'étude des formes et des surfaces jusqu'à la déformation continue. Ses recherches portent sur les nœuds et les liens. Il a enseigné plusieurs cours de mathématiques de premier cycle et aime travailler avec des programmes d'enrichissement en mathématiques afin de passionner les élèves du secondaire. Il est un leader du ministère sur les campus.

Adam Heck

Adam Heck, PhD, est professeur associé de mathématiques à l'université adventiste Southern (Collegedale, Tennessee, États-Unis). Il est titulaire d'une licence en mathématiques de l'université Andrews(Berrien Springs, Michigan) et une maîtrise en mathématiques à l'université de Central Florida (Orlando). Avant d'enseigner à la Southern Adventist University, A. Heck a enseigné à l'Atlanta Adventist Academy (Atlanta, Géorgie), à la Forest Lake Academy (Apopka, Floride) et au Florida Hospital College of Health Sciences (Orlando, Floride).

Référence recommandée :

Anthony Bosman et Adam Heck, Comprendre et cultiver la résilience mathématique chez les étudiants, Revue d’éducation adventiste, n°61.

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. Tous les noms sont fictifs.
  2. Sue Johnston-Wilder et Clare Lee, “Mathematical Resilience,” Mathematics Teaching 218 (2010): 38-41.
  3. Elena Nardi et Susan Steward, “Is Mathematics T.I.R.E.D.? A Profile of Quiet Disaffection in the Secondary Mathematics Classroom,” British Educational Research Journal 29:3 (2003): 345-367.
  4. Geoffry D. Borman et Laura T. Overman, “Academic Resilience in Mathematics Among Poor and Minority Students,” The Elementary School Journal 104:3 (2004): 177-195.
  5. Sadguna Anasuri, “Building Resilience During Life Stages: Current Status and Strategies,” International Journal of Humanities and Social Science 6:3 (2016): 1-9.
  6. V. Bailey Gillespie, Gary L. Hopkins, et Stuart Tyner, “Making Students Bulletproof—Resiliency, the Paradigm of Hope,” The Journal of Adventist Education 61:2 (décembre 1998/janvier 1999): 10-14. Bien qu'il s'agisse d'une source ancienne, les auteurs de cet article ont mené des recherches révolutionnaires sur ce sujet. Ils déclarent : « Un facteur émerge de manière récurrente dans les recherches et la littérature sur la résilience, tant aux États-Unis que dans d'autres pays : Une relation sincère et durable avec un adulte bienveillant et charismatique – quelqu'un auquel ils s'identifient et dont ils tirent de la force – est le facteur le plus important dans la vie des jeunes et des jeunes adultes. » (p.12)
  7. Carol Dweck, Self-theories: Their Role in Motivation, Personality, and Development (Philadelphia, Penna.: Psychology Press, 2000).
  8. Janet Goodall et Sue Johnston-Wilder, “Overcoming Mathematical Helplessness and Developing Mathematical Resilience in Parents: An Illustrative Case Study,” Creative Education 6:5 (2015): 526-535.
  9. Ibid.
  10. Borman et Overman, “Academic Resilience in Mathematics Among Poor and Minority Students.”
  11. Janice Kooken et coll., “Development and Validation of the Mathematical Resilience Scale,” Measurement and Evaluation in Counseling and Development 49:3 (2016): 217-242.
  12. Bina Kachwalla, “Making Math Accessible to All Students: Effective Pedagogy?” Journal of Higher Education Theory and Practice 21:3 (2021).
  13. https://articlegateway.com/index.php/JHETP/article/view/4145.
  14. Lynne McClure, “Using Low Threshold High Ceiling Tasks in Ordinary Classrooms”
  15. (2011): https://nrich.maths.org/content/id/7701/LTHCArticle.pdf.
  16. Betina A. Zolkower et Laurie H. Rubel, “Not ‘Just Another Brick in the Wall,’” Mathematics Teaching in the Middle School 21:2 (2015): 84-89.
  17. David Scott Yeager et Carol S. Dweck, “Mindsets That Promote Resilience: When Students Believe That Personal Characteristics Can Be Developed,” Educational Psychologist47:4 (2012): 302–314.
  18. Oscar E. Fernandez, “Second Chance Grading: An Equitable, Meaningful, and Easy- to-Implement Grading System That Synergizes the Research on Testing for Learning, Mastery Grading, and Growth Mindsets,” PRIMUS 31:8 (2021): 855-868.
  19. Ray Hembree, “The Nature, Effects, and Relief of Mathematics Anxiety,” Journal for Research in Mathematics Education 21:1 (1990): 33–46.
  20. Holly Tatum et Beth M. Schwartz, “Honor Codes: Evidence Based Strategies for Improving Academic Integrity,” Theory Into Practice 56:2 (2017): 129-135.