Delbert W. Baker est actuellement directeur de la recherche et du développement au sein du Bureau des Ministères des conférences régionales et du plan de retraite des conférences régionales dont le siège est à Huntsville, Alabama, États-Unis. Il est pasteur consacré de l'Église adventiste du septième jour et formateur certifié en intelligence émotionnelle. En plus d'être pasteur, il a également été rédacteur en chef de Message Magazine (1985-1992), directeur associé du Ellen G. White Estate (1992), assistant spécial du président et directeur du bureau de la diversité et membre du corps enseignant de l'université de Loma Linda (1992-1996), président de l'Oakwood College/Oakwood University (1996-2010), vice-président de la Conférence générale des adventistes du septième jour (2010-2015), et vice-chancelier de l'université adventiste d'Afrique (2015-2020). Baker a fait une licence en théologie avec une mineure en histoire à l'université d'Oakwood, un master en théologie en administration et conseil pastoral de l'université Andrews, et un doctorat en communication organisationnelle de l'université Howard (Washington, D.C., États-Unis). D. W. Baker et son épouse Susan ont trois fils adultes David, Benjamin et Jonathan, et six petits-enfants.
Leader visionnaire, il a été le fer-de-lance de plusieurs initiatives de développement et d'avancement au cours de ses années de service – développement de l'infrastructure et améliorations de l'enseignement académiques qui ont stimulé la croissance des inscriptions. Pasteur, administrateur, éducateur, coach en leadership, auteur et passionné de santé, il apporte plus de trente ans d’expérience dans l’enseignement supérieur tant au niveau national qu’international. Il est engagé dans le service, aime les gens, croit dans la préparatio, et désire toujours être au centre de la volonté de Dieu.
Border Henry Saturné (BHS) : Dr Baker, vous avez eu l’expérience exceptionnelle de servir comme président, à la fois à Oakwood University (OU) aux États-Unis, et à l’Adventist University of Africa (AUA) à Nairobi, au Kenya. Vous qui avez navigué dans ces paysages diversifiés, quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui entre dans le rôle d’un président de collège ou d’université pour la première fois ?
Delbert Baker (DB) : Avant tout chose, j’insisterais sur le fait que le rôle d’un président d’université n’est pas seulement un emploi : c’est un appel honorable qui comporte une profonde responsabilité. Nelson Mandela a dit un jour : « L’éducation est la plus puissante arme pour changer le monde1. » En tant que président, aux côtés de votre corps enseignant, vous avez l’incroyable opportunité d’avoir un impact durable sur les étudiants, la société et la mission élargie de votre institution.



Les nouveaux présidents devraient donner l’exemple de la puissance du service – diriger avec humilité, intégrité, et un authentique engagement envers le bien-être de la communauté. Ils devraient personnifier la valeur de la préparation nécessaire pour ce rôle – éducation appropriée, expertise et expérience. Ils devraient croire dans le potentiel des étudiants, des professeurs, du personnel et chercher à aligner leurs efforts avec la Providence divine. Voilà des clés essentielles.
Ce rôle est satisfaisant mais il exige de la patience. Il faut envisager cette position avec une perspective à long terme. Être un président qui réussit n'est pas une question de solutions rapides ou d'aspirations éphémères. C’est un marathon, pas un sprint – c’est un appel qui exige un engagement inébranlable, de la résilience et un cœur solide prêt pour le long cours. Le voyage peut être difficile mais l’impact qu’il peut avoir est incommensurable.
BHS : Quelles sont les qualités ou caractéristiques fondamentales d’un bon président ?
DB : Je crois que l’essence d’une présidence de collège ou d’université, et de tout leadership en général, peut être résumée dans un acrostiche que j’ai développé il y a des années – DRIVE (stimuler)—qui signale cinq qualités au centre de mon approche du leadership à Oakwood University et à Adventist Universty of Africa. Celles-ci continuent à être les principes qui me guident, mon étoile polaire du leadership.
Dévouement (Dedication) : un président doit être sérieusement engagé envers l’éducation. Ce rôle n’est pas pour ceux qui n’ont pas la vocation de faire des études supérieures. Sont essentiels : une préparation académique adéquate, une vision centrée sur les étudiants, l’adaptabilité, une perspicacité financière et un sens de l’héritage institutionnel. Sans ces qualités, il serait presque impossible de diriger une université efficacement.
Résilience (Resilience) : le voyage est rempli de dures batailles – conflits externes, défis internes et pression constante de la part de multiples groupes d’intérêt. Un président doit avoir la résilience de garder le moral et de soutenir le progrès, de rester positif même en face de l’adversité.
Initiative (Initiative) : l’initiative est au cœur du leadership. C’est la capacité de faire que les choses arrivent, particulièrement quand il semble que rien ne se passe. Les présidents doivent être proactifs, capables de saisir les opportunités, de régler les problèmes et d’en tirer parti. Les présidents qui incarnent l’initiative ont plus de chance d’atteindre leurs buts et de surmonter les défis. L’initiative stimule l’innovation, améliore l’efficacité et favorise la réussite globale.
Vision (Vision) : la Bible nous rappelle que les peuples et les organisations périssent quand il n’y a pas de vision (Proverbes 29.18). J’aime ce qu’Helen Keller a dit : « La seule chose pire que d’être aveugle est de voir mais de ne pas avoir de vision »2. Un président doit avoir une claire compréhension de son université : où elle a été, où elle est, et plus important que tout, où elle a besoin de se rendre. Une vision implique d’imaginer et de planifier un avenir que l’on désire, puis d’inspirer et de motiver les autres à travailler ensemble pour atteindre ce but.
Énergie (Energy) : l’énergie est le combustible qui transforme une vision en réalité. C’est la capacité de travailler, de créer le changement, de maintenir la vitalité et de stimuler le progrès dans tous les domaines de la vie de l’université. L’énergie est la force vitale qui soutient les qualités DRIVE.
Voici une application de DRIVE : cela faisait environ six ans que j’étais président à Oakwood, et pour promouvoir la sensibilisation à la santé et lever un fonds de bourses d’études, j’ai commencé à courir des marathons (26.2 milles – 42 km). La course est devenue un puissant passetemps qui a profité aux étudiants, à l’université et à la levée de fonds pour les bourses d’études. J’ai fini par courir de multiples marathons sur chacun des sept continents du monde et au pôle Nord, et chaque course a permis de lever des fonds pour des bourses d’études. Lorsque nous avons quitté Oakwood, le Delbert and Susan Baker Running for Scholarships Fund était bien établi. Le fonds a débuté avec 500 000 $ et, maintenant, il a plus d’un million de dollars. Voilà la puissance de DRIVE en action !
BHS : Un des présidents de collège ou d’université a-t-il influencé votre parcours professionnel ?
DB : Je peux en nommer plusieurs. Dr Calvin Rock qui a été président d’Oakwood alors que j’y étais étudiant. Il était un leader visionnaire engagé vers un développement centré sur l’étudiant. Pareillement, Dr B. Lyn Behrens, présidente de Loma Linda a été une leader visionnaire et créative. Elle m’a invité à mettre en place le programme de diversité de l’université en 1992 et elle m’a enseigné des principes inestimables sur la manière de diriger une institution adventiste.
Je me suis aussi inspiré des leaders historiques tels que Mordecai Wyatt Johnson, Mary Mcleod Bethune et Booker T. Washington, ainsi que de mes prédécesseurs à Oakwood, Dr Frank Hale Jr et Dr Benjamin Reeves.
Je suis revenu à mon alma mater en tant que son dixième président pendant son centième anniversaire en 1996. Dr Ella Simons, ancienne vice-présidente avec moi à Oakwood, et plus tard vice-présidente de la Conférence générale, et présidente du conseil d’administration de AUA m’a invité à être le deuxième vice-chancelier dans l’histoire de AUA alors que cette université célébrait son dixième anniversaire en 2016.
BHS : comment votre expérience au collège/université Oakwood vous a-t-elle changé comme leader et quelles étaient quelques-unes des dynamiques ?
DB : Avant de devenir président d’Oakwood, dans mes antécédents, j’avais été pasteur, éditeur de la revue Message, instructeur à l’université Howard, directeur associé du Ellen G. White Estate à la Conférence générale, et j’ai rempli des rôles administratifs et professoraux à l’université Loma Linda. Les cinq premières années à Oakwood ont véritablement été mes années d’apprentissage en tant que président.
Autour de 2000, cinq années après avoir assumé la présidence de Oakwood, j’ai complètement changé mon style de leadership. Je me suis éloigné de la supervision détaillée pour adopter un style de construction d'équipe plus collaboratif – un leadership au service des autres. Cette transformation a été renforcée quand j’ai suivi une formation continue de l’enseignement supérieur à l’université d’Harvard et que j’ai obtenu une certification en intelligence émotionnelle à l’université de Boston dans le cadre du programme de Daniel Goleman. Ces expériences m’ont permis de me souder plus profondément avec mon équipe et de guider efficacement Oakwood à travers d’importants changements, dont sa transition au statut d’université en 2008.
En bref, cela a été un point tournant transformateur dans mon leadership à Oakwood. Le livre de Goleman Primal Leadership ; Leadership in Higher Education: Practices That Make a Difference de James Kouzes et Barry Posner ; Education, Mind, Character, and Personality (vol 1 et2) par Ellen White ; To Know as We Are Known de Parker Palmer et la Bible sont devenus mes ressources-clés qui ont influencé ma philosophie du leadership.
BHS : Votre présidence a-t-elle impacté votre famille et comment ?
DB : L’équilibre travail/famille a été difficile, mais ma femme, Susan, professionnelle de la santé et éducatrice, ainsi que moi-même, étions profondément désireux de faire en sorte que cela marche. Elle enseignait à Oakwood et nos fils fréquentaient l’école d’Oakwood. Nous avons abordé nos rôles comme un ministère d'équipe. Comme nous avions tous les deux fait notre scolarité à Oakwood, nous partagions l’amour de son histoire et de sa valeur. Servir à cet endroit était plus qu’un simple emploi.
Pourtant, les pressions constantes du leadership public sont dures sur une famille. Il était vital que notre famille reste solide. Nous avons priorisé notre famille avec des moments spirituels réguliers, des week-ends, des voyages et des vacances. Cela a facilité un environnement stable pour nos fils. Cela a été une bénédiction d’être ensemble à Oakwood et de voir nos fils y obtenir un diplôme.
BHS : Selon Selingo et coll.3, un président de collège ou d’université qui réussit devrait être un leader intellectuel et académique, un narrateur, un stratège et un communicateur. Est-ce une juste description de votre présidence ?
DB : Je peux certainement cocher les cases pour un leader intellectuel, un stratège et un communicateur. Tout au long de ma carrière, j’ai toujours placé une forte emphase sur l’excellence académique et la réflexion stratégique. Ce sont des piliers essentiels pour tout président d’université efficace.
Pour être un narrateur, j’admets que c’est un domaine où je n’ai pas trop brillé. J’ai toujours admiré des leaders comme Charles Bradford et Ronald Reagan qui avaient le talent naturel de raconter des histoires – un talent qui est véritablement captivant et inspirant.
Bon, la narration n’a pas été mon point fort mais j’ai déversé mon énergie dans l’écriture. J’ai écrit plus de quinze livres et plus de trois cents articles dont The Unknown Prophet: The Life and Times of William Ellis Foy (Review and Herald 1987 et 2023). Écrire a été ma façon de raconter des histoires, de conserver l’histoire et partager les connaissances. Cela a joué un important rôle dans le maintien de mon engagement intellectuel.
De plus, mon engagement dans l’enseignement pendant que j’étais président m’a permis de rester en lien avec les étudiants et les professeurs. Ainsi, j’ai veillé à ce que mon leadership soit nourri en restant en contact avec l’environnement éducatif. De nombreuses façons, mon écriture et mon enseignement sont devenus les fils narratifs qui ont été tissés à travers ma présidence et qui ont contribué aux aspects intellectuels et stratégiques de mon leadership.
BHS : Quels sont les programmes et initiatives particuliers qui ont favorisé le succès de votre présidence ?
DB : En plus du modèle DRIVE, je me suis concentré sur les éléments éducatifs essentiels qui sont : l’intégrité académique, le leadership au service des autres, la constitution d’une équipe, l’efficacité financière et l’intervention spirituelle. Il a été vital de prioriser l’intelligence émotionnelle (IE), la prise de décision stratégique et une communication claire avec les groupes universitaires. Ces éléments ont été le fondement de mon approche du leadership.
Mis à part ces éléments, j’ai pratiqué d’autres approches et techniques. L’une d’elle a été celle que j’ai nommé La pratique de Néhémie. Comme Néhémie quand il est arrivé à Jérusalem (Néhémie 2.12-16), où que j’arrive, je passais les premières semaines à prier, à observer et à évaluer l’environnement physique et spirituel. Cette phase d’analyse était cruciale pour m’ancrer et poser un fondement spirituel pour le travail à venir, positionner mon leadership afin qu’il soit proactif et réceptif aux besoins de l’institution et aux directives divines.
Dans mes interactions quotidiennes, j’ai embrassé quelques simples compétences interpersonnelles : la prière et rester conscient de la présence divine; l’engagement et s’approcher authentiquement des autres ; l’action et savoir quand agir résolument ; la lecture de la situation et être conscient des dynamiques en jeu ; chercher des solutions et se fixer sur des solutions créatives plutôt que de s’arrêter sur les problèmes ; s’arrêter pour réfléchir et prendre du recul avant de réagir aux défis.
Cet état d’esprit m’a aidé à aborder le leadership non pas seulement comme une série de tâches mais comme une opportunité d’influencer positivement l’environnement du campus d’une façon pratique et centrée sur les gens.
Aussi, j’ai trouvé utile d'identifier et d'exploiter ma « zone de passion ». Comme l’a dit Frederick Buechner « L’endroit où Dieu vous envoie est l’endroit où votre joie profonde et la faim profonde du monde se rencontrent »4. Ma passion de faire une différence a été la force motrice de ma présidence. J’ai cherché à connecter mes motivations internes avec les besoins réels de l’institution.
Faire une analyse environnementale – étudier les plans stratégiques passés, parler avec d’anciens leaders, examiner des recherches pertinentes – cela m’a permis de comprendre le contexte en profondeur et faciliter une prise de décision créative et éclairée.
Une autre pierre angulaire du leadership a été d’établir ce que j’ai appelé un « groupe de base spirituelle ». Ce petit groupe de trois à cinq personnes et moi-même, nous nous rencontrions régulièrement pour prier pour l’institution. Leur travail en coulisses alignait nos efforts avec la volonté de Dieu et invitait l’intervention spirituelle dans notre leadership.
Finalement, après avoir préparé le terrain et élaboré notre plan stratégique, ma priorité était de communiquer les plans d’une manière attrayante. Par exemple, à Oakwood, nous avons développé ce que j’ai appelé « l’histoire de Kevin » – un narratif qui incorpore nos objectifs et les indicateurs de performance clés (Key Performance Indicators, KPIs). L’approche basée sur une histoire rendait le plan stratégique réaliste et intéressant pour le corps professoral, le personnel et les étudiants. Ainsi ces objectifs étaient mieux compris et recevaient une meilleure adhésion.
Ces initiatives, ancrées dans la foi, la providence et une vision stratégique, ont été d’une aide précieuse.
BHS : On s’attend à ce que les présidents lèvent beaucoup d’argent pour leur institution. Avez-vous répondu à cette attente ?
DB : La collecte de fonds est un élément critique du rôle d’un président de collège ou d’université. La philanthropie ne consiste pas seulement à obtenir de l’argent mais aussi à régler des problèmes. La collecte de fonds alimente les rêves de l’institution, ses buts, ses plans stratégiques ; elle fournit les ressources pour les bourses d’études, les projets d’investissement, et le développement des projets. La collecte de fonds est étroitement imbriquée dans la collecte d’amis et l’établissement de relations. Les gens donnent en raison des relations qu'ils entretiennent, et pas seulement pour des causes. J’ai eu à cœur de développer des amitiés, et de les conserver, même après le versement des dons.
Ma femme Susan, qui était membre du corps professoral et la première dame de l’université, était aussi ma partenaire dans la collecte de fonds. De nombreux donateurs que nous avons maintenus à Loma Linda et à Oakwood ont continué à soutenir nos projets quand nous avons déménagé à AUA à Nairobi. Pendant mon mandat de cinq ans à AUA, nous avons collecté 7 millions de dollars avec de nouveaux et anciens amis des États-Unis et de l’étranger.
À Oakwood, nous avons levé plus de 150 millions de dollars pendant notre mandat, cela incluant des contrats gouvernementaux, des fonds du Titre III5 et des donations privées. En dépit d’une pression implacable, j’ai trouvé de la joie dans les récompenses de la collecte de fonds.
La collecte de fonds est demeurée un des aspects les plus exigeants de mon rôle. Les besoins étaient incessants : bourses d’études, bâtiments vieillissants, nouveaux programmes académiques et la transition de collège à université. Pendant nos mandats à OA et AUA nous avons soutenu la construction de multiples bâtiments et rénovations ainsi que de projets spéciaux comme le monument du service Simon de Cyrène et le monument de l’héritage du leadership à AUA. Dans le domaine du développement, nous avons vu la providence divine.
Me viennent à l’esprit deux exemples de levées de fonds inoubliables. L’un d’eux implique un ancien ami donneur et son épouse à qui nous avions demandé un capital de départ quand nous avons déménagé en Afrique. Ils nous ont fait un don important qui dépassait de beaucoup notre requête ou nos attentes. Un autre incident a impliqué une femme médecin veuve qui, après plusieurs visites, a décidé d’encourager un projet de construction à AUA avec un don d’un million de dollars. Quand nous l’avons remerciée, elle a dit : « J’ai fait ce don parce que je crois en vous et ce projet. » Sa confiance a été à la fois inspirante et un puissant facteur de motivation.
La collecte de fonds n’a jamais été facile mais avec foi et assiduité, sous l’égide de Dieu, nous avons été capables d’accomplir des choses remarquables.
BHS : Quels sont quelques secrets que vous avez utilisés pour réussir vos collectes de fonds ?
DB : Bon, je ne connais aucune recette secrète. Mais il y a une science et il devrait y avoir une stratégie. La vérité est que la science de la levée de fonds est la stratégie.
Nous avons concentré tous les efforts sur la vision, la mission et la stratégie de l’université, en nous servant d’histoires et d’arguments convaincants. Nous avons utilisé la meilleure technologie possible et les données que nous avions. Nous avons travaillé très fort pour conserver nos relations avec les anciens élèves, les donateurs et les parties prenantes. Il a été crucial de communiquer régulièrement, de montrer les résultats, de partager les histoires à succès et de fournir des rapports transparents de l’utilisation des fonds et des résultats.
Il a été indispensable que moi-même, en tant que président, avec les autres administrateurs, les membres du conseil d’administration et les cadres supérieurs soient impliquées dans les efforts de collecte de fonds. Nous avons essayé d’obtenir des prospects potentiels de tout le monde et de partout. Finalement, avec beaucoup de prières, nous avons essayé de garder contact avec chaque prospect possible. Dans de nombreux cas, Dieu a été incroyablement bon parce que nous avons travaillé incroyablement dur et suivi les données scientifiques. Nous devons notre succès à un dur labeur, des recherches stratégiques et, enfin, de la faveur divine.
BHS : Comment avez-vous aidé à la préparation de la prochaine génération de leaders ?
DB : La meilleure façon de préparer les futurs leaders est de donner l’exemple d’un bon leadership au service des autres. Jonathan, fils du frère de David [Shiméi], a été inspiré par l’exemple de son oncle qui a vaincu un géant (2 Samuel 21.20,21). De la même manière, les étudiants sont inspirés par le leadership qu’ils voient autour d’eux. Beaucoup de leaders étudiants d’Oakwood sont devenus des leaders dans leur vie personnelle et professionnelle.
À Oakwood, nous avons mis en place le programme des présidents ambassadeurs afin de former des leaders étudiants. Chaque année, nous choisissions cinq étudiants de chaque classe pour des réunions de leaders étudiants, durant lesquelles Susan et moi avons été leurs mentors. Cette initiative a produit beaucoup de leaders qui maintenant font une différence dans leurs domaines professionnels.
En plus du développement du leadership, nous avons encouragé le leadership spirituel au moyen de groupes de cellules, groupes d’étude de la Bible et de programmes de sensibilisation. On a aussi placé une forte emphase sur la santé et le bien-être sur le campus ainsi que de nombreuses initiatives pour la communauté. Ayant été un colporteur évangéliste pendant cinq étés, j’ai également fortement fait la promotion du colportage à OU et AUA.
Nous avons cru à l’importance des ministères et des industries adventistes laïcs (ASI) et avons initié de telles entreprises sur le campus : une ferme-jardin, des coopératives avec le Marshall Space Flight Center, des industries locales et le cimetière Oakwood University Memorial Gardens Cemetery. Les étudiants ont été encouragés à penser de manière entrepreneuriale et de s’engager dans un travail utile. Ces initiatives ont constitué la base d’industries étudiantes, de développement du caractère et de croissance spirituelle.
BHS : Que feriez-vous différemment si vous en aviez la possibilité ?
DB : En posant un regard sur l’ensemble de ma carrière, je reconnais que j’ai toujours été motivé à beaucoup travailler et réaliser mes projets et objectifs. Maintenant, en contrepartie à cela, je pense qu’il est important de ne jamais perdre de vue la valeur de développer et maintenir des relations avec les gens qui sont au cœur de l’université. Bien que nous ayons souvent reçu des groupes chez nous et organisé de nombreux événements étudiants sur le campus, passer plus de temps avec les professeurs, le personnel et les étudiants aurait permis de plus facilement les connaître à un niveau personnel plus riche.
BHS : Avez-vous des regrets de votre présidence ? Si oui, voulez-vous bien les partager avec nous ?
DB : J’essaie de ne pas m’arrêter sur les regrets. Chaque expérience, même les douloureuses, comporte une leçon et contribue à la formation du caractère.
Je garde les yeux sur le besoin d’aller de l’avant, de m’efforcer de vivre à l’exemple de Christ et d’investir dans la croissance et le développement de mon caractère et de celui des autres. Mon but était de laisser une empreinte et un héritage significatifs. Une validation externe est appréciée mais une validation interne, savoir que j’ai fait de mon mieux pour les bonnes raisons, est plus important. On a dit que le regret des choses que l’on a faites peut être atténué par le temps ; c’est le regret des choses que l’on n’a pas faites qui est inconsolable. Je ne sens pas que j’ai laissé des choses en suspens.
BHS : Vous avez communiqué de précieuses informations pour réussir en tant que président de collège ou d’université. Quels sont quelques-uns des domaines qui peuvent faire dérailler une présidence ?
DB : Beaucoup de dangers menacent une présidence de collège ou d’université. La littérature révèle qu’environ un tiers des présidents d’université quittent leur poste dans les cinq ans6. Voilà six domaines qui peuvent indiquer que des problèmes sont à l’horizon et les stratégies à mettre en place pour les éviter :
1. Le mépris de la vision et de la communication : veiller à ce que votre vision soit précise et bien communiquée. Faire participer votre équipe dans la planification stratégique afin que chacun soit aligné et concentré.
2. Arrogance et isolement : veiller à rester humble et ouvert aux suggestions. Susciter la collaboration et le maintien de fortes connexions avec son équipe et les parties prenantes.
3. Négligence de la gestion financière : prioriser la surveillance des finances. Veiller à la transparence et évaluer régulièrement la santé financière de l’institution.
4. Écarts en matière d’équité et d’inclusion : s’engager à être juste et inclusif. Mettre en place des politiques qui reflètent diverses perspectives et font la promotion de l’équité.
5. Les manquements à l’intégrité : diriger avec intégrité et maintenir des normes d’éthique élevées. Instaurer la confiance en prenant des décisions fondées sur de forts principes moraux.
6. Résistance au changement et à l’innovation : accepter le changement et encourager l’innovation. Favoriser une culture d’amélioration et d’adaptation permanente.
BHS : Le leadership implique souvent des défis. Comment voyez-vous l’inévitabilité de souffrir dans le leadership ?
DB : La souffrance et le sentiment de ne pas être apprécié sont souvent le côté sombre du leadership. Je crois que la souffrance est la partie inévitable du voyage – pas seulement à cause des défis que nous rencontrons mais à cause de la façon dont ces défis nous forment. Comme le dit Romains 5.3,4, « la détresse produit l’endurance, l’endurance une fidélité éprouvée, et une fidélité éprouvée l’espérance » [NBS]7. Les leaders compétents et avant-gardistes ne peuvent pas éviter la souffrance. C’est quelque chose que nous devons accepter et en retirer des leçons. Cela nous garde enracinés, nous aide à nos connecter aux autres à un niveau humain plus profond, et empêche que l’orgueil ne prenne racine. Enfin, le leadership c’est servir les autres et ce service exige parfois des sacrifices personnels. La souffrance fait partie de ce qui fait de nous des leaders plus forts et plus compatissants.
BHS : Comment avez-vous su qu’il était temps pour vous de quitter vos responsabilités de président ?
DB : Je crois que c’est une combinaison de facteurs. Certains n’ont été qu’une intuition – vous sentez que l’institution a atteint un point de progrès et d’avancement où elle a besoin de nouveau leadership. Certains leaders savent que c’est le temps de partir quand ils ressentent de l’ennui ou perdent leur motivation, mais ce n’a pas été mon cas. Je ne me suis jamais ennuyé. J’ai toujours senti qu’on pouvait en faire encore plus.
Cependant, je crois que chaque leader atteint un point où il a besoin de se demander : « Est-ce le temps de passer à autre chose, peu importe la
raison ? » Pour moi, il y a eu des sentiments internes et des signaux externes qui ont incité cette réflexion. C’est alors peut-être le temps de parler avec une personne de confiance pour avoir ses commentaires.
Une autre considération est de penser à ce qui arrivera après la présidence. Il est alors approprié, après avoir servi comme leader d’une institution pour un certain temps, de se demander : « quoi, où et quand ? » Ces questions font partie d’une stratégie de sortie efficace. Quand les leaders commencent à croire qu’ils sont irremplaçables, ils peuvent être à la limite de ce qu’on appelle le
« complexe du messie ». L’institution existait avant vous et elle survivra après vous.
Au fil du temps, j’ai développé cette série de questions sur lesquelles les gens peuvent prier, réfléchir et se questionner.
1.Mon rôle actuel s’aligne-t-il encore sur mon objectif principal, mes valeurs et mon sens de la providence ? Quand votre objectif commence à s’éloigner de la mission, c’est peut-être le temps d’entrevoir un changement.
2. Est-ce que j’ai encore de l’énergie et de l’enthousiasme pour mon travail ? Si vous remarquez une baisse d’énergie soutenue, cela peut être un signe que vous approchez de la fin de votre efficacité dans ce rôle.
3. Faites-vous encore des progrès institutionnels discernables et efficaces avec le conseil d’administration et les parties prenantes ? Si non, il se peut que vous soyez devenu inefficace ou que vous avez dépassé le cadre de ce poste.
4. Ce rôle vous présente-t-il encore des défis à relever ou des opportunités d’apprendre et de grandir ? Si non, il se peut que vous ayez besoin de nouvelles expériences d’apprentissage et de nouveaux débouchés professionnels.
5. Ai-je un sentiment d’avoir réussi à m’épanouir – où pourrais-je aller maintenant et qui pourrait occuper mon poste ? Là, il faut tenir compte de beaucoup de facteurs : ai-je le choix de rester ou de partir ? Quand et où vais-je aller ? Qui pourrait éventuellement prendre ce rôle de leadership ?
BHS : Lorsque vous réfléchissez à votre parcours spirituel et professionnel, que vous vient-il à l’esprit ?
DB : Permettez-moi de profiter de cette occasion pour exprimer mon appréciation pour ce projet d’entretiens que vous coordonnez. La création d’une plateforme pour partager et conserver les expériences des précédents présidents est louable.
Quand je réfléchis à mon parcours dans le leadership, je vois un chemin de croissance et de développement. Ma relation avec Dieu, ma famille et mes amis a été une source de grande joie, de soutien et de sagesse. Il y a eu des moments charnières, des conversations cruciales et des événements difficiles qu’il a fallu traverser. Mais à bien y penser, je me sens béni et comblé d’être là où j’en suis aujourd’hui.
Actuellement, comme le dit Robert Clinton, je suis dans la « période de convergence8 » de la vie et du leadership. C’est l’étape où toutes les périodes de votre vie et de votre carrière commencent à se regrouper et avoir du sens. Ellen White a noté que l’apôtre Jean avait reçu plus de communications dans sa vieillesse que dans sa jeunesse9. Ainsi, quelqu’un devrait planifier d’équilibrer la contemplation avec la contribution. Alors que j’avance en âge, je me sens enrichi de toutes les expériences – choisies ou pas – que j’ai rencontrées sur mon chemin.
C’est une puissante réalisation que tout, même les défis et les détours, a contribué à un plus grand but, et que tout a joué un rôle dans la formation de qui je suis maintenant. J’avance maintenant et je le fais avec un sens de gratitude et le désir de continuer à contribuer de manière significative.
BHS : Dr Baker, alors que nous arrivons à la fin de notre conversation, je me rappelle que chaque personne, les présidents d’université inclus, a une façon d’encadrer ou de résumer sa vie. Que pensez-vous de votre parcours de vie ?
DB : Oui, je crois que cela est une puissante vérité On dit que la vie, dans son essence, peut être vue comme une histoire avec trois chapitres distincts mais interconnectés.
Le premier chapitre, de la naissance à environ trente ans, consiste en notre développement et en notre préparation – il établit le fondement de qui nous sommes. Le second chapitre, de trente à soixante ans, présente souvent la période la plus productive de notre vie où nous construisons notre carrière, notre famille et notre témoignage. Finalement, le troisième chapitre, de soixante ans et au-delà, consiste à mûrir, s’affiner et à bâtir notre legs. C’est le temps de réfléchir sérieusement et de transmettre notre sagesse et nos valeurs à la prochaine génération.
Je peux voir maintenant comment chaque chapitre de ma vie m’a préparé pour le suivant. Les leçons apprises dans ma jeunesse ont alimenté ma motivation pendant les années productives du milieu de la vie, et maintenant, dans ce troisième chapitre de construction de legs, il ne s’agit pas seulement de ce que nous accomplissons, mais de ce que nous laissons derrière nous pour que les autres puissent construire dessus. La beauté de la vie est dans la pleine acceptation de chaque chapitre, et la compréhension que chacun se construit sur le précédent et contribue à la richesse de l’histoire en entier, en faisant confiance à Dieu tout au long du processus.
BHS : Cette perspective est émouvante. Il est inspirant de voir comment chaque phase de la vie contribue à la suivante, créant un narratif complet et significatif.
DB : Absolument. Et que chacun se rappelle que tandis que nous passons d’un chapitre à l’autre, chaque étape est importante. J’encourage alors tout le monde, peu importe leur profession, d’avoir le courage de vivre pleinement le chapitre où ils sont, de construire sagement dans chaque chapitre et laisser un legs qui parle d’objectif, de passion, d’amour des autres, et de confiance en Dieu et en son avenir.
BHS : Merci Dr Baker d’avoir partagé votre sagesse et vos réflexions. Ce fut une conversation instructive.
BD : Merci. J’ai apprécié réfléchir à mon parcours et partager ces pensées avec vous.
Référence recommandée :
Bordes Henry Saturné et Delbert W. Baker, Série sur le leadership dans l’enseignement supérieur : conversation avec Delbert W. Baker, Revue de l’éducation adventiste, n° 70.
NOTES ET RÉFÉRENCES
- Nelson Mandela a utilisé ces mots pour la première fois le 23 juin 1990, lors d'un discours prononcé devant les élèves du lycée Madison Park de Boston (Massachusetts), peu après sa sortie de prison. Il les a ensuite utilisés à plusieurs reprises dans des discours et des documents. Voir Transcript à https://archive.nelsonmandela.org/index.php/za-com-mr-s-1569.
- Goodreads (n.d.): https://www.goodreads.com/quotes/6497288-the only-thing-worse-than-being-blind-is-having-sight.
- Jeffrey J. Selingo et coll., Pathways to the University Presidency: The Future of Higher Education Leadership (New York: Deloitte University Press, 2017), 9.
- Frederick Buechner, Wishful Thinking: A Seeker’s ABC (New York: Harper Collins, 1993), 188-119.
- Les fonds du Titre III sont des fonds fédéraux mis de côté par le ministère de l'Éducation des États-Unis pour aider les établissements d'enseignement supérieur à développer leurs programmes en vue d'améliorer la qualité de l'enseignement, en accordant des subventions pour l'achat d'équipements, la construction ou la rénovation des bâtiments, le développement des programmes académiques, l’achat des ressources bibliothécaires, la fourniture des services de conseil et de tutorat, et bien plus encore. Pour plus d'informations, voir https://www2.ed.gov/programs/iduestitle3a/index.html#:~:text=The%20program%20helps%20eligible%20IHEs,fiscal%20stability%20of%20eligible%20institutions.
- Michael Sandler, “Why It’s Arguable the Toughest Time Ever to Be a University President,” Forbes (29 février 2024): https://www.forbes.com/sites/michaelsandler/2024/02/29/why-its-arguably-the-toughest-time-ever-to-be-a-university president/#:~:text=In%202022%2C%20presidents%20had%20been,and%208.5%20years%20in%202008; Jonathan S. Gagliardi et coll., American College President Study 2023(Washington, D. C.: American Council on Education, 2017), ix.
- Nouvelle Bible Segond, NBS, 2002.
- J. Robert Clinton, The Making of a Leader: Recognizing the Lessons and Stages of Leadership Development (Colorado Springs, Colo.: NavPress, 1988).
- Ellen G. White, Acts of the Apostles (Mountain View, Calif.: Pacific Press, 1911), 572. Voir aussi Ellen G. White, The Retirement Years (Hagerstown, Md.: Review and Herald, 1990), page 176.