Cela fait des siècles que l’enseignement supérieur est une industrie multimilliardaire impliquant gouvernements, investisseurs privés à buts lucratif et non lucratif et institutions religieusement affiliées1. Malgré leur grandiose présence diversifiée, on peut se demander quelle est la pertinence des universités. Cette question porte principalement sur la raison d’être de l’enseignement supérieur, mais y répondre est chose complexe. Cependant, les universités sont des institutions socialement organisées qui se concentrent sur l’apprentissage et qui créent toutes sortes de connaissances. Elles préparent des experts et des citoyens ordinaires à travailler dans diverses entités professionnelles ou gouvernementales2, et aussi dans l’Église.
Traditionnellement, l’éducation s’est attachée au développement des individus et de leurs compétences afin qu’ils contribuent à des champs d’expertise spécifiques. Alors que les étudiants continuent à apprendre et à développer leurs compétences, ils appliquent leurs qualifications à des secteurs qui impactent leur avenir et leurs communautés. Tandis que la société évolue, l’éducation ajoute de nouveaux objectifs plus complexes pour enrichir son influence et répondre à la demande de la société pour des professionnels qualifiés. Actuellement, de nombreux établissements d’enseignement supérieur se consacrent à la production de connaissances et font des découvertes qui influencent significativement l’avancement humain. Beaucoup d’individus considèrent que l’éducation est un puissant outil pour atteindre des bénéfices personnels et communautaires au point que les gouvernements et de nombreuses organisations s’attendent à ce que les écoles facilitent le progrès social. L’espoir qu’ils vont découvrir et transmettre une information qui conduira à des solutions est l’hypothèse fondamentale sous-jacente qui amène les sociétés à développer les systèmes d’enseignement supérieur3.
Lorsqu’il s’agit de services éducatifs, de nombreuses personnes demandent comment un établissement particulier se situe par rapport à d'autres qui offrent des programmes similaires. Cette question peut aussi s’appliquer à l’enseignement supérieur adventiste. Qu’est-ce qui le distingue d’autres modèles d’enseignement supérieur ? Les futurs étudiants et leurs parents peuvent se renseigner sur ses contributions uniques à la croissance et au développement professionnel, personnel ou spirituel. Leurs perceptions sont essentielles pour les étudiants qui souhaitent poursuivre des études de troisième cycle, pour la rétention des étudiants actuels et pour s’assurer d’avoir pour l’établissement le soutien de la communauté, de l’Église et des anciens étudiants. Ainsi, cet article examinera quelques principes fondamentaux qui sous-tendent l’enseignement supérieur adventiste et le rendent unique.
Pourquoi le troisième cycle adventiste existe-t-il ?
L’Église adventiste du septième jour a fondé de nombreux collèges et universités avec différents objectifs. Un des objectifs le plus évident est de former des individus pour combler la demande en ressources humaines de l’Église. De plus, les pionniers croyaient qu’une éducation chrétienne équivalait à fournir les moyens de sauver les jeunes de la fausse et mauvaise éducation offerte par les institutions sécularisées4. Dans ce cas, l’éducation adventiste a été conçue afin d’agir comme un moyen organisé de faciliter le salut et un service aligné avec la mission de l’Église. Comme l’a dit Ellen White : « Si l’on y réfléchit profondément, on comprend qu’éducation et rédemption sont une seule et même chose, car pour l’une comme pour l’autre, personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ »5. En plus, cette éducation fournirait une vision du monde centrée autour d’une perspective prophétique des activités humaines parce que les pionniers croyaient que la nouvelle du retour imminent de Jésus devait être répandue.
La perspective unique de l’éducation supérieure chrétienne comprend la formation des êtres humains, l’orientation de leur esprit et la promotion du développement spirituel afin de toucher la société de façons positives qui la distinguent des institutions séculières. De plus, les collèges et universités adventistes approfondissent cette perspective en cherchant à faire progresser le royaume de Dieu comme un but qui restructure la totalité du processus éducatif. Cette approche inclut des activités délibérément choisies pour atteindre un but global qui ne se trouve pas dans les institutions séculières. Les objectifs académiques d’une institution tertiaire adventiste doivent viser plus que de présenter des faits et enseigner aux étudiants comment effectuer des recherches et analyser les problèmes de la société. Leur but ultime est de produire des étudiants spirituellement transformés qui peuvent influencer positivement la société et faire progresser le royaume de Dieu. En revanche, pour changer le monde, les individus doivent d’abord être transformés à travers une relation personnelle avec Dieu6.
Les cadres de l’éducation adventiste
Dans son livre Conceiving the Christian College, Liftin débat l’approche globale d’une institution religieuse conservatrice. La discussion s’articule sur deux cadres possibles que les institutions pourraient mettre en place pour faire face aux idées concurrentes en éducation. La première est l’approche typique utilisée dans la majorité des universités publiques et quelques universités privées d’élite. C’est un système ouvert qui permet la coexistence de toutes sortes de points de vue de la réalité – ce que Kerr8 appelle une
« multiversité », par opposition à une université plus homogène avec des paramètres d’interprétation clairement définis. Ce point de vue sympathique de l’éducation supérieure est décrit comme étant un parapluie suffisamment grand pour abriter toutes les explorations possibles des connaissances. Ces interprétations et ces modèles de la réalité coexistent en tant qu’alternatives potentielles et parallèles. Bref, il n’y a pas de narratif dominant pour guider la vie ou les actions. Ce point de vue fragmenté a tendance à déboucher sur des attitudes individualisées quant à la réalité et la vie.
Ensuite Liftin introduit l’« approche systématique » dans laquelle la préférence est donnée à un cadre plus défini pour guider ce qui se passe dans une institution d’enseignement supérieur9. Les étudiants sont exposés à différents points de vue et idées alternatives de la réalité comme dans une conception parapluie. Cependant, « avec une grande intentionnalité, un engagement est proposé à chaque cours alors que les professeurs cherchent à aider les étudiants à penser de façon chrétienne dans chaque matière. » Ainsi, « les étudiants sont exposés constamment à des voix concurrentes, mais typiquement avec le but, en fin de compte, de les transformer en penseurs chrétiens efficaces »10.
Cela est similaire à ce qu’Ellen White décrit comme étant une bonne éducation. Son but est de trouver des moyens « d’apprendre aux jeunes à penser par eux-mêmes, à ne pas se contenter d’être le miroir de la pensée des autres… Qu’ils se mettent face à leur devoir, à leur destinée et leur pensée se déploiera et prendra de la vigueur »11. Le but systémique est de fournir une structure biblique pour les opinions dominantes sécularisées qui prévalent dans la majorité des universités de formation supérieure. Essentiellement, il s’agit d’un défi pour la conception du programme d’études auquel tous les collèges et universités adventistes doivent faire face. Professeurs, administrateurs et autres personnels s’alignent sur les fondements philosophiques sous-jacents qui règlementent les principes et les politiques qui bâtissent et gouvernent une institution d’enseignement supérieur adventiste.
Holmes, dans son livre The Idea of a Christian College, souligne un point semblable, et dit : « Un collège est un lieu pour penser, pour soulever des questions et des doutes et en discuter ouvertement ; et le collège chrétien doit encourager les étudiants à le faire en dialoguant avec des esprits plus mûrs afin de confronter les meilleures informations et arguments disponibles12. » Dit simplement, « l’approche systématique de l’enseignement supérieur présente un ensemble intentionnel d’hypothèses afin de développer les missions d’enseignement, de recherches et d’engagement.
Chaque aspect de l’entreprise universitaire doit cadrer avec un modèle biblique qui fonctionne comme un cadre structurel pour une éducation adventiste authentique. Ces modèles ne sont pas déterministiques mais, plutôt, des principes de la Gestalt biblique13 globale qui offrent les grandes lignes pour les acteurs impliqués dans chaque institution – responsables de l’éducation, enseignants, étudiants, et conseils d’administration.
Les modèles initiaux utilisés dans un cadre pour les programmes d’études collégiales ou universitaires sont basés sur une vision du monde biblique14 qui fournit un récit sous-jacent qui donne un sens à la réalité. Quelles sont présuppositions bibliques de base ? Sire15 fournit des questions pour guider l’exploration de ces hypothèses en utilisant le chapitre 1 du livre de la Genèse. En voici un résumé :
- Quelle est l’ultime réalité ? Dieu est la réponse ! Ce concept est complexe mais la Bible offre quelques descriptions de son caractère et de ses attributs ; il est infini et omnipotent, et pourtant personnel et accessible. Il intervient dans les affaires humaines dans leur intérêt. Bien qu’il soit omniscient et le Créateur de toutes choses, il transcende la matière. Son caractère est bonté et amour.
- Qu’est-ce que la réalité externe ? Dieu a parlé pour que l’univers existe, et il a suivi un cadre de lois naturelles au cours de sa formation. Même si la nature suit un ordre particulier, elle n’est pas prédestinée. Elle est plutôt un système d’interactions ouvert qui permet la manipulation.
- Qu’est-ce qu’un être humain ? Dieu a créé les humains à son image. Ils ont l’intelligence et la personnalité pour explorer le monde, accumuler et bâtir des connaissances. Ils ont la capacité de se reproduire et de vivre en société. Ils ont le libre arbitre pour prendre des décisions avec des implications morales.
- Que se passe-t-il à la mort d’une personne ? Dieu n’a pas créé la mort mais elle est la conséquence du péché qui a souillé ce monde. Ainsi, les personnes et autres créatures vivantes cessent d’exister quand elles meurent et elles ne se souviennent plus de rien par la suite. Cependant, Dieu a fourni une solution à la mort grâce à Jésus-Christ. Les êtres humains qui acceptent consciemment qu’il est mort à leur place ne connaîtront pas une extinction éternelle. L’enfer et le ciel sont des réalités qui viennent après le jugement.
- Qu’est-ce qui est bien ? La Parole de Dieu est la base pour faire des choix face à des dilemmes moraux. Le caractère de Dieu est exprimé dans la Bible et constitue la norme pour faire des jugements éthiques. La Bible est l’ultime point de référence pour comprendre les bonnes actions et examiner
les décisions. - Qu’est-ce que l’histoire ? L’histoire est une séquence d’événements significative et linéaire. Bien que les humains aient le libre arbitre, Dieu intervient pour façonner et orienter leur développement16. Un jour, ce monde viendra à sa fin par une intervention finale de Dieu pour rétablir son royaume.
La conception de l’éducation adventiste exige la compréhension des visions du monde qui modèlent un cadre. Pour développer un programme d’études, il faut considérer des éléments fondamentaux comme la réalité, la nature des êtres humains, les besoins de la société, les codes de conduites, et les objectifs. En ayant la Bible pour cadre conceptuel, les processus éducatifs peuvent être réorganisés afin d’atteindre des résultats d’apprentissage spécifiques.
Quelques idées fondatrices
Cette section a pour but de clarifier les idées clés que les institutions tertiaires adventistes peuvent utiliser pour concevoir leurs cours et leurs activités extracurriculaires. Ces idées sont basées sur une vision du monde biblique et servent de fondement pour créer un concept unique d’éducation adventiste.
L’idée de la nature humaine. La croyance anthropologique que le péché a profondément affecté la nature humaine est au cœur de toutes les hypothèses. La nature humaine a été « fracturée » par le péché qui a modifié toutes les relations possibles. Ellen White l’exprime ainsi :
« Si nous voulons embrasser le champ d’action de l’éducation, nous devons considérer non seulement la nature de l’homme et l’intention de Dieu en le créant, mais aussi le bouleversement qu’entraîna, pour la condition humaine, la connaissance du mal, et le plan conçu par Dieu pour éduquer l’homme selon son glorieux projet, malgré cela17. »
Contrairement à la philosophie humanistique, cette déclaration affirme que le péché est la racine de tous les maux et qu’aucun être humain ne peut le résoudre. Ainsi, l’éducation utilise une approche rédemptrice pour responsabiliser chaque étudiant à travers une relation avec son Créateur. Cette approche reconnaît que les étudiants peuvent trouver une véritable guérison et restauration pour développer leur potentiel, mais seulement à travers cette relation.
Cette hypothèse théologique a des implications pratiques pour le développement d’un programme d’études et d’activités extracurriculaires. Par exemple, les étudiants sont exposés à des services d’adoration qui les aident à reconnecter avec Dieu. Les programmes universitaires offrent des cours de Bible pour les aider à mieux comprendre les Écritures. L’école fournit un soutien spirituel pour guider les étudiants dans les importantes décisions de la vie, et leur permettre de mieux connaître et faire l’expérience de leur Sauveur, Jésus-Christ.
L’idée d’une approche globale. L’éducation globale s’efforce de développer les étudiants globalement en se basant sur une compréhension biblique de l’humanité. Elle insiste sur l’importance de stimuler l’intellect, le corps et la spiritualité dans un modèle d’éducation complète :
« La véritable éducation implique bien plus qu’une préparation à la vie présente. Elle s’intéresse à l’être tout entier, et à toute la durée de l’existence qui s’offre à l’homme. C’est le développement harmonieux des facultés physiques, mentales et spirituelles. Elle prépare l’étudiant à la joie du service qui sera le sien dans ce monde, et à la joie plus grande encore du vaste service qui l’attend dans le monde à venir18. »
Il est clair que le développement du caractère est le but ultime :
« Dans cette école, les jeunes doivent être éduqués, disciplinés et formés pour développer des caractères moraux et intellectuels tels que Dieu les approuvera. Ils doivent recevoir une formation non pas dans les coutumes, les amusements et les jeux de cette société mondaine polluée, mais en harmonie avec les lignes de Christ, une formation qui les qualifiera pour être collaborateurs avec les intelligences célestes19. »
Pour que cela devienne une réalité, les enseignants sont essentiels. Comme l’a écrit Ellen White dans son livre Éducation : « L’effort fondamental, l’objectif constant du maître devraient être d’aider l’étudiant à appréhender et à engager avec le Christ une relation qui fera de ces principes une force de vie20. » En suivant cette approche, les étudiants peuvent acquérir la sagesse céleste qui les rendra plus sages et mieux équipés pour faire face aux défis de la vie.
Une formation globale se concentre sur le développement des aptitudes techniques nécessaires pour un métier particulier mais aussi sur la transformation de l’individu en totalité. Les étudiants ont besoin d’apprendre que les êtres humains consistent en une combinaison d’intellect, de corps et de spiritualité et qu’il doit prioriser toutes ces dimensions pour mener une vie équilibrée et réussie. Taylor ajoute l’importance d’un engagement envers l’économat, ainsi qu’« un accent soit mis sur la santé et le bien-être dans l’ensemble de l’institution21 ». L’enseignement supérieur adventiste doit donc englober toutes les dimensions du développement humain et, c’est là un objectif crucial. Les étudiants sur un campus adventiste doivent avoir l’espace scolaire et extrascolaire pour développer la capacité d’appliquer ces principes au quotidien.
L’idée d’objectif. L’objectif est basé sur une vision du monde biblique qui se reflète dans diverses formes d’actions : former les étudiants dans de multiples champs d’expertise et aider les gens à être prêts pour la seconde venue de Christ. En plus, l’environnement universitaire soutien la préparation pour cette vie et la vie à venir : « Notre école a été établie pas seulement pour enseigner les sciences mais avec l’objectif de donner une instruction dans les grands principes de la parole de Dieu et les devoirs pratiques de la vie quotidienne »22. Ainsi, les institutions d’enseignement supérieur font partie de cet engagement envers une transformation sociale pour l’amélioration du royaume de Dieu sur la terre.
Réfléchissant à la mission de l’éducation adventiste à tous les niveaux, George Knight fait valoir que, en plus de préparer les étudiants pour une vie productive et une carrière réussie, nos écoles doivent les préparer pour le monde à venir et les équiper pour qu’ils jouent un rôle important dans l’accomplissement de la « vision apocalyptique » de l’Église, « enseignant son ensemble doctrinal unique et particulièrement la compréhension apocalyptique de la dénomination et l’implication de cette compréhension pour la mission mondiale et la Seconde venue »23.
John Wesley Taylor V, écrivant sur le « caractère spécial » de l’université adventiste note le rôle central du développement de la foi, de la mise en place d’« une identité adventiste du septième jour distincte », et de sa contribution « de façons constructives aux priorités stratégiques du mandat évangélique »24. Voilà le mandat biblique de l’éducation.
L’idée de connaissance. Étudiants et professeurs sont encouragés à explorer le monde, comprendre et gérer les variables qui produisent une cause et ses effets et découvrir de nouvelles informations. Cependant, comme Ellen White le souligne, la connaissance doit être créée dans le cadre des paramètres bibliques :
« Il est de notre devoir et privilège d’utiliser la raison aussi loin que les facultés finies de l’humain peuvent aller, mais il y a une limite où les ressources humaines doivent cesser. Il y a de nombreuses choses qui ne pourront jamais être raisonnées même par l’intellect le plus puissant ou discernées par l’esprit le plus perçant. La philosophie ne peut pas déterminer les pensées et les œuvres de Dieu ; l’esprit humain ne peut pas mesurer l’infini. Jéhovah est la fontaine de toutes sagesses, toutes vérités et toutes connaissances »25.
La science et la foi doivent aller de pair. Comme l’a écrit Ellen White : « Bien comprises, les découvertes de la science et les expériences de la vie s’avèrent être en parfait accord avec le témoignage que nous donnent les Écritures de l’œuvre incessante de Dieu dans la nature26. » La recherche scientifique devrait exalter la foi puisqu’elle fournit des preuves de ce que Dieu a créé. La Bible ajoute une dimension spirituelle à la poursuite de découvertes que les simples faits ne peuvent pas dévoiler. Les collèges et universités adventistes constituent un ensemble contre-culturel d’institutions qui offrent une différente vision des découvertes et des interprétations alternatives aux théories courantes et faits scientifiques qui tendent à discréditer la Parole de Dieu et les dimensions spirituelles des vies humaines.
Comme Jesse27 le souligne, les institutions d’enseignement supérieur chrétiennes sont des lieux où professeurs et étudiants explorent les pour et les contre des idées, sans exclure l’évolution contre la création. Dans la majorité des universités publiques et de nombreuses universités privées, cela ne se fait pas. Ainsi, les institutions tertiaires adventistes doivent présenter aux étudiants les deux côtés d’un problème donné afin de leur fournir une expérience de foi et intellectuelle beaucoup plus riche.
L’idée de transformation sociale.
Le christianisme est basé sur l’idée que la transformation dans la société débute au niveau individuel. Une relation personnelle avec Christ peut transformer le cœur d’une personne, et ainsi, influencer positivement la communauté. La nature humaine a besoin de rédemption pour surmonter son inclination vers le mal. Le processus de rédemption débute dans le cœur humain et s’étend vers l’extérieur pour déboucher sur un changement sociétal. Cela peut se produire quand les individus s’associent ensemble pour faciliter les changements structuraux qui peuvent mener à une meilleure civilisation. Dans Romains 7 et 8, l’apôtre Paul débat de la bataille spirituelle pendant la conversion – cela représentant la transformation sociale et individuelle au sens biblique.
D’un point de vue éducatif, l’information est précieuse mais l’implication humaine est indispensable pour utiliser les données et les ressources correctement et faire des découvertes. Cependant, posséder plus de connaissances et de technologie ne dénoue pas toujours les problèmes sociaux, l’amélioration de la société exigeant des interactions humaines. Le facteur humain est souvent la variable la plus difficile et la plus imprévisible. Parfois, les découvertes et les connaissances peuvent être militarisées plutôt que servir à résoudre des problèmes.
Tout au long de l’histoire, de bonnes inventions ont été utilisées pour causer de gros dommages. Nommons seulement la dynamite, la puissance nucléaire, et l’internet qui ont contribué significativement à des besoins scientifiques et humains mais qui ont aussi été utilisés pour faire du tort. En utilisant des informations et des ressources de pointe, des individus très éduqués et ayant beaucoup d’influence ont fait des fraudes, des arnaques, et des atrocités qui ont détruit la vie de nombreuses personnes. La connaissance sans socle moral et social peut devenir une menace plutôt qu’une solution pour la société. Sans réfléchir intentionnellement à ce qui fait qu’une vie soit cohérente et comment utiliser les ressources de façon appropriée, même une formation bien intentionnée peut ne pas produire les résultats escomptés.
Certains chercheurs en enseignement supérieur, Kronman par exemple28, affirment que la majorité des institutions tertiaires n’ont pas dans leur programme la priorité d’enseigner aux étudiants le
« sens de la vie ». Spanier exprime une inquiétude similaire quant à la formation d’étudiants bien équilibrés qui deviendront des professionnels accomplis. Les plus remarquables contributions que feront les universités se feront en aidant les étudiants « à explorer les enjeux éthiques dans leurs vies professionnelles et personnelles. J’ai toujours cru que les plus grands défis que nous confrontons dans l’enseignement supérieur tournent autour du caractère, la conscience, la citoyenneté, et la responsabilité sociale parmi nos étudiants29. »
Ainsi, une perspective équilibrée sur la nature et les objectifs personnels est nécessaire pour que la connaissance impacte positivement la société. Tout comme les autres institutions, les collèges et universités adventistes doivent inviter les étudiants à une implication pour résoudre quelques-uns des problèmes complexes qui ébranlent la société ; mais ces institutions doivent les aider à le faire à partir d’une approche biblique.
Pensées pour conclure
L’enseignement tertiaire adventiste cherche à offrir une formation spécialisée qui permette aux étudiants de réussir dans leurs domaines respectifs. Simultanément, il les encourage à utiliser leurs compétences pour contribuer à la société tout en faisant progresser le royaume de Dieu et se préparant pour le retour de Jésus.
Dès le début, les pionniers adventistes ont réalisé que la formation et le service étaient d’importantes contributions que l’éducation chrétienne devait offrir : « La force de notre collège consiste à maintenir l’élément religieux au premier plan30. » Qu’est-ce que cet « élément religieux » ? – des humains guidés par des principes bibliques qui sont capables de raisonner et de vivre selon la volonté de Dieu pour leur vie. Cet engagement crucial sert de cadre interprétatif pour toutes leurs entreprises, les aidant à s’aligner sur la mission évangélique de l’Église. Sans cet élément, les diplômés ne peuvent représenter véritablement les valeurs que l’éducation adventiste cherche à inculquer. Knight31 soutient que ce cadre eschatologique donne aux diplômés un sens précis de la mission et les qualifie pour influencer le monde positivement.
Faire progresser le royaume de Dieu exige plus que ce que l’Église seule peut réaliser. Bien que les assemblées locales puissent faire, et font, la promotion des principes bibliques par la prédication et l’enseignement de la Parole de Dieu, elles manquent de ressources pour former des professionnels, effectuer des recherches, et répondre aux complexités des divers champs d’expertise. D’un autre côté, les collèges et universités sont engagés envers la mission et cherchent à l’appliquer aux multiples champs professionnels. Ce faisant, ils contribuent significativement à l’expansion du royaume de Dieu et à l’amélioration de la société. En plus, l’éducation adventiste promeut un sens biblique de la vie qui équipe les étudiants avec la sagesse nécessaire pour réussir dans la vie et diriger les autres vers la source de leur sagesse.
En conclusion, les institutions de formation de troisième cycle adventistes ont renforcé leur attractivité alors que la société et ses institutions sont devenues plus polarisées et fortement sécularisées. Les parents cherchent un endroit sûr pour y envoyer leurs enfants pour leur formation. Il y a là une opportunité qui, bien abordée, peut porter la mission globale de l’Église dans le monde entier jusqu’au retour de Jésus.
Cet article a été revu par des pairs.
Référence recommandée :
Gustavo Gregorutti, L’enseignement supérieur adventiste et sa conception unique, Revue de l’éducation adventiste, n° 70.
NOTES ET RÉFÉRENCES
- George M. Marsden, The Soul of the American University Revisited: From Protestant to Post-secular (New York: Oxford University Press, 2021).
- Philip G. Altbach et Hans de Wit, “The Boston College Center for International Higher Education and the Emergence of a Field of Analysis, 1995-2020.” In Heather Eggins, Anna Smolentseva, et Hans de Wit, éds., Higher Education in the Next Decade: Global Challenges, Future Prospects (Leiden, The Netherlands: Brill Sense, 2021), 326-344.
- Gustavo Gregorutti, Following the Path From Teaching to Research University: Increasing Knowledge Productivity (Newcastle, U.K.: Cambridge Scholars Publishing, 2011).
- Ellen G. White, Education (Mountain View, Calif.: Pacific Press, 1903).
- Ibid., 30.
- Ibid.
- Duane Litfin, Conceiving the Christian College (Grand Rapids, Mich.: Eerdmans, 2004).
- Clark Kerr, The Uses of the University (Cambridge, Mass.: Harvard University Press, 1982).
- Litfin, Conceiving the Christian College, 21.
- Ibid., 26, 27.
- Ellen G. White, Education (Mountain View, Calif.: Pacific Press, 1903), 17.
- Arthur Holmes, The Idea of a Christian College (Grand Rapids, Mich.: Eerdmans, 2000), 74.
- Gestalt est un mot allemand utilisé en psychologie pour décrire la théorie de la perception. Elle postule que nous percevons la réalité comme un tout, et non comme des ensembles d'éléments assemblés par notre cerveau.
- Comme l'a souligné Sire, les gens ont des hypothèses qui sont cruciales pour expliquer la composition du monde. Ces hypothèses sont basées sur leur vision du monde ou Weltanschauung, un terme allemand qui signifie « vision du monde ». Voir James Sire, The Universe Next Door: A Basic Worldview Catalog (Downers Grove, Ill.: InterVarsity Press, 2009), 6.
- Ibid., 6-9, 15-32.
- Voir Daniel 2:20-22.
- Ellen G. White, Education, 14.
- Ibid., 13.
- Ellen G. White, Fundamentals of Christian Education (Nashville, Tenn.: Southern Publ. Assn., 1923), 397.
- Ellen G. White, Education, 30.
- John Wesley Taylor V, “What Is the Special Character of an Adventist College or University?” The Journal of Adventist Education 79:2 (janvier-mars 2017): 25: https://jae.adventist.org/en/2017.2.5.
- Ellen G. White, Christian Education (1894) (Battle Creek, Mich.: International Tract Society, 2018), 38.
- George R. Knight, “The Great Commissions and the Educational Imperative,” The Journal of Adventist Education 79:3 (avril-juin 2017): 10: https://jae.adventist.org/en/2017.3.2.
- Taylor, “What Is the Special Character of an Adventist College or University?” 24.
- Ellen G. White, “True Worth,” The Advent Review and Sabbath Herald 73:52: (décembre 29, 1896), 822:https://m.egwwritings.org/en/book/821.15543#15562.
- Ellen G. White, Education, 130.
- David Jesse, “Why Do Some Small Conservative Christian Colleges See Growth Where Other Schools See Declines?” Detroit Free Press (8 octobre 2021):https://www.freep.com/indepth/news/education/2021/10/08/conservative-christian-colleges-grow/7396185002/.
- Anthony T. Kronman, Education’s End: Why Our Colleges and Universities Have Given Up on the Meaning of Life (New Haven, Conn.: Yale University Press, 2008).
- Graham B. Spanier, “Creating Adaptable Universities,” Innovative Higher Education 35:2 (avril 2010): 91-99, 93.
- Ellen G. White, Testimonies for the Church (Mountain View, Calif.: Pacific Press,1948), 5:14.
- Knight, “The Great Commissions and the Educational Imperative.”