Bordes Henry Saturné (BHS) : quelle est la contribution des universités à l’Église adventiste du septième jour ? Comment peut-on le faire plus efficacement ?
Andrea Luxton (AL) : Parlons d’abord de la contribution. Elle est vitale. La raison pour laquelle, initialement, nous avons lancé l’enseignement supérieur fut simplement pour s’assurer que nous disposions de personnes éduquées pour travailler pour l’Église. Cela est encore très important aujourd’hui. Mais il y a plus que ça : l’Église doit faciliter le développement d’un laïcat éduqué. Il est important de simultanément permettre sa croissance professionnelle, académique et spirituelle. Cela favorise une Église plus forte. C’est ce qui transforme l’Église. L’éducation adventiste est le lieu idéal pour que cette transition survienne. C’est le lieu où les membres d’église peuvent explorer leur foi dans le contexte de questions difficiles dans notre propre environnement académique. Cela apporte de la profondeur à leur expérience chrétienne et à leur cheminement de foi. De plus, l’enseignement supérieur a pour mission d’atteindre de nouvelles personnes sur le campus et dans la communauté.
Comment pouvons-nous être plus efficaces ? Une chose importante est d’établir une compréhension et un partenariat beaucoup plus profonds entre l’Église et l’enseignement supérieur. Parfois, ni l’une ni l’autre ne se comprennent. Traditionnellement, dans l’enseignement supérieur, nous parlons de la
« ville et de la toge » en se référant au malaise entre l’université et la ville où celle-ci se situe. En outre, il existe le risque dans l’Église adventiste d’une tension entre « la chaire et l’université » ou entre « la toge et le banc d’église ».





Il semble y avoir un réel manque de compréhension de l’enseignement supérieur dans certaines parties de l’Église en dépit du fait que nous faisons la même chose et sommes consacrés à la même mission. Nous avons tant de choses à partager pour nous enrichir mutuellement, mais parfois, il y a un peu de tension.
BHS : Quels sont actuellement les défis les plus importants qui confrontent l’enseignement supérieur adventiste en Amérique du Nord et dans le monde ? Que peuvent faire les leaders pour les atténuer ?
AL : Pour chaque pays ce sera légèrement différent. Je débute donc avec l’Amérique du Nord. Premièrement, il peut y avoir dans l’Église un manque de compréhension sur la raison pour laquelle l’enseignement supérieur est tellement important. Ainsi, celui-ci n’est pas accepté de manière à encourager plus de gens à faire partie de l’enseignement supérieur adventiste. Le deuxième défi est l’évolution démographique. De nombreux membres peuvent ne pas avoir les moyens d’accéder à l’enseignement supérieur adventiste. Il leur est inaccessible. Cela peut causer une importante pression sur les inscriptions dans le nombre
d’étudiants adventistes. Il est vrai que les inscriptions demeurent élevées dans de nombreuses institutions dans d’autres parties du monde, mais alors, dans ces régions, le pourcentage d’étudiants adventistes est assez bas.
Une autre source de tension est la globalisation. Chacun est beaucoup plus mobile, et la technologie permet d’accéder largement d’un endroit à l’autre. Pourtant l’éducation adventiste, comme toutes les autres formes d’enseignement supérieur, s'est développée historiquement à partir d'un modèle unique de base étudiante liée au campus.
Quand on considère les différentes modalités et les différentes options actuellement disponibles, cela change les choses. Cela nous oblige à être à la pointe du progrès pour faire avancer les choses si nous voulons rester au courant de ce qui arrive et être véritablement à l’écoute des besoins de l’Église.
BHS : Que pourrait faire l’Église pour mieux préparer les futurs présidents de nos universités ?
AL : Il faut qu’il y ait un développement plus intentionnel de la capacité du leadership au niveau intermédiaire ou même pour les jeunes leaders potentiels dans l’enseignement supérieur ainsi que dans d’autres domaines. L’enseignement supérieur a des besoins de leadership très spécifiques. Nous avons un système ecclésial qui opère principalement par élection. Nous hésitons à encourager les gens à développer des compétences de leadership. Ma philosophie personnelle a toujours été d’ouvrir autant de portes que l’on peut et de laisser Dieu vous aider à décider dans laquelle vous allez entrer. Le développement de leadership est comme ça : ne pas mettre de promesses sur la table, mais permettre aux gens d’avoir le plus de portes qui s’ouvrent pour eux. S'il y a une bonne adéquation entre eux et le poste de direction, ils sont prêts à foncer. Lorsque des personnes arrivent sans aucune expérience en matière de leadership, ce sera très difficile pour elles.
Nous sommes dans un environnement, particulièrement en Amérique du Nord, où la rotation d’une présidence est maintenant tous les trois ou quatre ans. Cela est dû aux énormes pressions que l’on met sur les présidents de toutes parts. Il est nécessaire de renforcer la capacité du leadership pour avoir une plus longue longévité, pour faire en sorte que les gens comprennent l’Église et connaissent l’éducation adventiste.
BHS : Selon vous, qu’est-ce qui vous a préparée à être une présidente d’université ? En regardant en arrière, pensez-vous que vous étiez préparée pour cette responsabilité à Newbold, Canadian Union College (CUC) ou Andrews ?
AL : Diverses expériences m’ont préparée pour cette tâche. Des leaders m’ont fait confiance de diverses façons et m’ont donné l’opportunité de grandir, de me développer et d’expérimenter des choses. Cela dit, l’on n’est jamais complètement prête jusqu’à ce que l’on soit dans la position de la personne qui a l’autorité et la responsabilité finale.
Newbold a été la première place. C’est là que j’ai fait le plus d’erreurs. C’est là que l’on apprend, la plupart du temps pour la première fois ; ensuite on continue à avoir des occasions pour affiner les choses. Cependant, avec du recul, je peux dire que j’ai passé six années dans l’Union britannique, en dehors de l’enseignement supérieur, qui ont été très formatrices. Il a été tellement utile de vivre l’expérience d’être enseignante d’école secondaire, directrice au niveau secondaire et directrice départementale dans l’Union. Cela a été énorme et m’a aidée à rencontrer tant de différentes personnalités avec différentes expériences. Cela m’a aidée à mieux comprendre comment l’Église fonctionne que si j’avais été seulement dans l’enseignement supérieur.
BHS : Quel pourrait être le rôle des anciens présidents d’université dans le système adventiste ?
AL : Les présidents apprennent beaucoup de choses dans ces positions. Espérons qu’ils ont acquis un peu de sagesse qu’ils pourraient transmettre pour aider ceux qui commencent tout juste à ces postes. Dans l’Église, en général, ils ont quelques importants domaines de leadership qu'ils pourraient utiliser pour d'autres personnes.
BHS : Maintenant, en faisant un retour en arrière, croyez-vous que vous ayez sacrifié votre famille, vos amis et ceux que vous aimez pour votre carrière ?
AL : Je ne regrette aucune des décisions que j’ai prises ni là où je suis allée. Est-ce que cela m’affecte personnellement ? Oui. Je ne me suis jamais mariée et peut-être est-ce là que se trouve une raison de ne jamais l’avoir fait. Je poserais cette question en des termes plus larges : Ma vie personnelle a-t-elle été marquée ? Certainement. C’est le prix à payer. Et pour ceux qui ont une famille, je sais que c’est un prix que les familles paient. Vous acceptez le prix parce que vous croyez énormément dans l’importance de ce que vous faites. Je ne crois pas que cela soit totalement évitable. Il y a quelques moyens par lesquels les personnes peuvent naviguer dans les processus et s’assurer qu’elles donnent du temps et de l’espace aux personnes importantes dans leur vie. Elles doivent faire cela, mais même pour celles que je connais et qui l’ont fait, il y a toujours un prix à payer pour la famille.
BHS : Pendant votre présidence [à Andrews], sous la pression du poste, avez-vous pu prendre soin de votre santé, ou prendre des vacances ?
AL : Très tôt, avant même de devenir présidente, j’ai compris que j’avais la capacité de remplir toutes mes journées avec mes étudiants ou tout autre chose sur le plan professionnel. Je ne pouvais pas dire : « Je fais quelque chose avec mes enfants cette fin de semaine » ou « je fais quelque chose avec mon
mari ». J’ai donc découvert assez rapidement que je devais inscrire du temps dans mon agenda afin de m’occuper de moi. J’ai donc bloqué du temps et écrit simplement « occupée ». Je me suis donné du temps pour penser, me reconnecter avec moi-même, et passer du temps avec Dieu plus personnellement. Il faut trouver le temps de faire cela.
Cependant, il y avait des périodes où tout était tellement intense que même ce temps disparaissait. Il a des périodes, quand j’y pense, où il n’y avait rien d’autre que le travail : trois mois, quatre mois ou occasionnellement, même plus longtemps, où il n’y avait rien d’autre que le travail. J’étais simplement à 100 pour cent, à 150 pour cent impliquée dans le travail que j’avais à faire, mais j’ai essayé de protéger ma santé. Et j’ai aussi essayé de ménager du temps pour Dieu.
BHS : Quel a été le rôle des méditations personnelles ou de la spiritualité dans votre vie ou votre présidence [à Andrews] ?
AL : Très importantes, mais il a fallu que je sois très proactive. Parfois ce n’était que du temps de méditation normal, mais, souvent, il fallait littéralement que je m’en aille, que je parte quelque part. Il fallait que je ménage du temps pour développer plus de profondeur dans ma communication avec Dieu.
BHS : Selon Selingo et coll.1, le ou la présidente devrait être un leader académique et intellectuel, un narrateur, un stratège et un communicant. Cela pourrait-il être une bonne description de votre présidence ?
AL : Ces quatre qualificatifs sont très importants pour moi. Mais cette question, vous devez la poser à d’autres pour savoir jusqu’à quel point j’ai réussi dans chacun d’eux. Certainement à Andrews, pendant ma présidence, je me suis beaucoup appuyée sur l’idée de la narration car la façon dont vous créez l’histoire à partir des réalités que vous êtes est très importante pour l’université, pour que les gens sentent qu’ils font partie de cette histoire et s’y engagent.
Le communicant accompagne très bien la narration et la stratégie. Ainsi, j’ai appelé la stratégie de Andrews « scénarios » parce qu’une stratégie s’articule le mieux en termes d’où va l’histoire, de son déroulement. J’ai essayé de combiner le leader académique et intellectuel. Il faut être capable de chercher à élever l’université au plus haut niveau. Il faut avoir de très hautes attentes académiques et intellectuelles, et il faut être capable de parler efficacement dans ce milieu. Dans l’environnement adventiste, vous devez aussi ajouter une cinquième qualité de leadership essentielle à ces quatre, soit le leader spirituel qui va diriger avec des valeurs adventistes et bibliques et les introduire au cœur de toute chose dans l’université.
BHS : Si vous deviez donner trois conseils à un nouveau président de collège ou d’université, que lui diriez-vous ?
AL : [Premièrement] écouter, écouter et écouter. Il faut connaître votre campus. Bon, ça c’est la partie de l’écoute.
Le deuxième conseil est de valoriser votre entourage. Chaque personne de votre équipe doit se sentir non seulement valorisée mais aussi sincèrement valorisée. Ensemble, vous pouvez aller beaucoup plus loin et mener l’université beaucoup plus loin que vous ne pourriez jamais le faire seul.
Le troisième conseil : soyez sûr d’être précis sur vos principes et vos valeurs et de ne jamais les laisser tomber. Ça c’est le phare que vous ne devais jamais laisser s’éteindre dans un environnement adventiste. Une partie de cela est liée aux choses qui sont au cœur de notre identité adventiste. Mais c’est un petit peu plus large que ça de vivre ces principes et valeurs qui sont tout simplement inamovibles. L’administration doit être un peu comme un mur de caoutchouc, vous devez avoir un peu de flexibilité, vous ne pouvez pas être dur et rigide. Mais quand on en arrive à vos principes et valeurs, ça c’est le cœur qui n’a pas de flexibilité.
BHS : Selon vous, les questions liées à la diversité sont-elles une menace pour l’unité de l’Église ? Et quelle serait votre suggestion aux leaders d’université et de l’Église pour les atténuer ?
AL : C’est une menace. Elle a aussi un grand potentiel et de grandes possibilités. Notre diversité est si riche et elle nous donne d’extraordinaires opportunités. Ma philosophie est que plus mon équipe est diversifiée plus nous serons forts qu’il s’agisse de la diversité des sexes ou des cultures ou des races, car inévitablement chaque personne vient avec une perspective légèrement différente et sa voix ajoute à la richesse de la conversation. La diversité est une énorme force mais aussi un risque car elle est une menace pour les gens.
Diversité est devenu un gros mot, mais il n’y a rien de mal à cela. Je suis un professeure d’anglais. Je prends simplement le mot diversité comme signifiant exactement ce qu’il signifie. Même chose pour le mot inclusion. Pourquoi le mot inclusion est-il devenu un gros mot ? Pourquoi ne pas reconnaître les réalités des torts qui sont arrivés à différents groupes divers. Il est vrai que des torts ont été commis. C’est arrivé. C’est un problème. Pourquoi ne pas se considérer comme faisant partie de la solution de guérison ? À mon avis, c’est un risque parce que nous permettons à ce qui se passe dans la conversation publique de supplanter notre mission.
BHS : Comment avez-vous préservé la santé et l’équilibre travail-vie privée de vos employés sur le campus ?
AL : Ça c’est difficile parce que, en tant que professionnels adventistes, les employés sont tellement centrés sur la mission qu’ils ne choisissent pas instinctivement un équilibre travail-vie privée. J’ai vraiment essayé avec mon équipe proche, comme pendant la covid, quand tout le monde travaillait pendant un certain temps 18 heures par jour. Au début, nous nous rencontrions chaque jour virtuellement à 4 ou 5 heures de l’après-midi ou à la fin de la journée. Puis comme les choses se calmaient, je leur disais à tous : « Rentrez chez vous, vous devez vous reposer. » J’ai vraiment essayé de les pousser à le faire. L’ont-ils tous fait ? Non. Je leur disais aussi : « Maintenant, je vous en prie, allez et travaillez avec votre équipe, avec les gens dont vous êtes responsables, et transmettez-leur le même
message ». Est-ce que je crois que j’ai réussi à chaque fois ? Non. Est-ce que j’ai essayé ? Oui. Mais c’est une de ces choses où probablement il y avait une lacune entre mon désir – et les choses que je disais – et les réalités.
BHS : Comment avez-vous fourni ou encouragé un développement professionnel pour vous-même, pour vos professeurs et votre personnel ?
AL : Voilà quelque chose qui m’a toujours beaucoup tenu à cœur. Tant à Newbold qu’au Canada, les processus d’évaluation étaient centrés sur des choses beaucoup plus formelles, et non pas sur le développement professionnel. À Newbold, je me souviens qu’une des premières choses que j’ai faites a été d’établir un comité de développement professionnel. De manière anticipée nous avons cherché à nous assurer de mettre en commun des fonds afin de canaliser et de favoriser de manière proactive le développement du corps enseignant et du personnel. Et au Canada, j’ai modifié le processus d’évaluation afin de mettre l’accent sur la croissance et le développement professionnel plutôt que sur une pure évaluation. En pensant à tous vos employés, vous devez reconnaître que vous avez une responsabilité envers leur développement et leur croissance. Une de vos responsabilités est de prendre soin de la croissance personnelle et professionnelle de chacun d’eux. Il ne leur incombe pas de tout accomplir. Vous devez les aider à trouver une voie d’accès et puis que cela se produise.
BHS : Comment votre leadership a-t-il influencé la vie étudiante sur le campus ?
AL : Pour la vie étudiante, la situation était différente d’un lieu à l’autre. À Newbold, j’étais à la fois doyenne des étudiants et présidente. J’ai vraiment apprécié la vie étudiante. Il n’y avait pas d’autre personne [pour la position de doyenne des étudiants]. Cette position relevait de la présidence. Au Canada, il y avait une autre personne, mais c’est moi qui faisais tout. J’étais étroitement impliquée dans tout : programmes du samedi soir, concerts, programmes de musique, matchs de basketball, tout, à moins que je sois en déplacement. Parce qu’à toute fin pratique j’étais très présente, je j’ai été impliquée dans toutes les politiques qui ont été mises en place à Newbold. Et j’ai été largement responsable de leur développement au Canada, quoi que nous ayons toujours eu une équipe très soudée. À Andrews, j’ai toujours été impliquée dans tout ce qui était important, et dans tout développement de politique. J’aurais aimé être présente à toutes les activités à Andrews, mais c’était impossible. J’ai essayé d’établir autant de contacts que possible pour quand même sentir que j’entendais les étudiants. Pour commencer, je faisais des goûters impromptus sur le campus pour essayer d’impliquer quiconque voulait venir juste pour bavarder, juste pour s’engager. La Covid a rendu les choses un petit peu plus difficiles.
BHS : Comment avez-vous essayé de préparer la prochaine génération de leaders pour servir l’institution, ou aviez-vous un plan quelconque de relève des leaders ?
AL : J’essaie toujours, que je réussisse ou non, de me tourner vers les membres de mon équipe immédiate et de voir ce qui pourrait être possible pour eux à l'avenir ; et je les aide et les encourage à faire ce qui serait nécessaire pour se positionner à cet égard ou pour que je puisse personnellement les encadrer. C’est le mieux que l’on puisse faire. Vous ne pouvez jamais promettre quoi que ce soit à qui que ce soit, mais au moins vous pouvez essayer de les encourager et, dans les évaluations que vous faites d’eux, chercher à les aider à se développer au point d’être prêts pour une autre position, s’il y avait une ouverture. Cela fait partie intégrante de mes convictions.
BHS : Avez-vous des regrets de votre présidence à Newbold, CUC ou Andrews ?
LA : Oui, j’en ai. Combien puis-je vous en révéler ? Permettez-moi d’en partager un de Newbold. C’est le plus ancien. C’était un petit campus mais il y avait des conflits internes. J’ai parlé d’être un bâtisseur de ponts, et on peut être un bâtisseur de ponts positif, mais parfois vous pouvez bâtir des ponts qui ne sont pas utiles. Et je pense que mon instinct de jeune leader était d’être le pont. Qu’est-il arrivé quand je suis partie ? Le pont n’était pas là ! Après mon départ, en y réfléchissant, j’ai réalisé que je n’avais pas bâti un pont. J’étais le pont dans certaines situations. Mon regret est de ne pas avoir pris l’opportunité de faire ce qui est le plus difficile, soit de construire le pont parce que cela reste après vous.
BHS : Croyez-vous que vous devriez vous excuser auprès de quelqu’un à cause de quelque chose qui s’est produit pendant l’une ou l’autre de vos présidences ? Certaines décisions que vous avez prises ou manquées de prendre ?
AL : Je ne sais pas. J’espère que je me suis excusée au fur et à mesure. Si j’avais senti que je devais le faire, je n’aurais pas eu de problème à le faire. Je crois qu’en tant qu’humains, nous commettons tous des erreurs. On peut se tromper parfois, mais normalement sur le coup on peut dire : « Je regrette je me suis trompée ». Je ne peux pas dire d'emblée : « Il y a des choses qui sont encore en suspens
là-bas ». Je me rappelle avoir écrit un article dans la revue Focus qui ciblait les jeunes, les étudiants et les anciens étudiants. Je disais dans cette publication : je regrette les fois où nous avons failli à notre tâche, où vous espériez quelque chose de nous et nous n’avons pas été à la hauteur, et vous nous avez quittés ou vous avez même quitté l’Église désillusionnés à cause de ce que nous pouvons avoir fait ou pas fait2. Les excuses sont toujours de mise même quand nous ne sommes pas directement impliqués, ou même si vous ne saviez pas. Nous nous faisons parfois du tort les uns aux autres et nous devons le reconnaître.
BHS : Comment avez-vous su que c’était le temps de vous décharger de vos responsabilités
présidentielles ?
AL : Vous passez par un cycle d’actions. Puis vous faites une pause, après quoi vous reprenez le collet. À Newbold, c’est alors que j’étais à ce moment de pause que j’ai été invitée à aller ailleurs. J’ai prié et j’ai senti que c’était juste bien. Je ne peux pas le dire autrement. Ça a été la même chose avec le Canada. Je ne cessais de dire : « Non, non, non, non. » En prenant du recul, j’ai réalisé que même si j’aimais ce que je faisais, cela ne serait probablement pas bon pour l’université – une petite institution – ou pour moi de rester là pour le reste de ma carrière.
Donc, à quel moment déménagerais-je d’ici [le Canada], si je devais déménager ? L’appel pour Andrews semblait être un appel persistant, et il a simplement fallu que je dise à Dieu : « D’accord, c’est ce que tu veux ». Ensuite, je savais que certaines choses devaient arriver pour que cela marche. Et tout s’est mis en place. À Andrews, quand je suis devenue présidente, j’ai toujours su dans mon esprit qu’il y aurait un certain moment dans le temps où je sentirais que je voulais céder ma place à quelqu’un qui serait prêt à donner le 150 pour cent que j’avais donné.
Je pourrais dire que la retraite m’a appelée quand mes niveaux de résilience et d’énergie étaient à leur maximum. Ils étaient à leur comble et j’ai pensé : « Je peux continuer mais je ne suis pas sûre que je serai aussi efficace. Je crois que c’est le temps de céder mon poste. » Alors j’ai signalé une année à l’avance que c’est ce que je ferais, et c’est ce que j’ai fait.
BHS : Voudriez-vous dire quelque chose en guise de conclusion ? Voulez-vous partager un message ?
AL : Chacune de mes trois expériences présidentielles a été merveilleuse. Je me sens richement bénie. J’ai travaillé avec des personnes étonnantes. J’ai ressenti la bénédiction de Dieu de manières tellement uniques et différentes tout au long de ces trois présidences… Je suis heureuse d’avoir eu les trois. Je suis heureuse aussi de les avoir eues dans cet ordre. J’avais besoin de tout ce que j’ai reçu dans les plus petites institutions quand je suis arrivée à Andrews avec toutes ses complexités, mais chacune est venue au bon moment, de la bonne manière. C’est comme ça que Dieu agit, et j’en suis heureuse.
Cette entrevue a été condensée. Une version élargie est disponible à [https://www.journalofadventisteducation.org/2024.86.2.9.full]. De petites modifications ont été faites mais le style verbal a été conservé.
Référence recommandée :
Bordes Henry Saturné et Andrea Luxton, Série sur le leadership dans l’enseignement supérieur : Entrevue avec Andrea Luxton, Revue de l’éducation adventiste, n° 70.
NOTES ET RÉFÉRENCES
- Jeffrey J. Selingo et coll., Pathways to the University Presidency: The Future of Higher Education Leadership (New York: Deloitte University Press, 2017), 9.
- “Journey to Healing and Understanding: Statement From President Luxton,” Focus Magazine 52:4 (automne 2016): 24, 25: https://d261v9hbk78yno.cloudfront.net/focusapp/pdf/2016-4.pdf and “#ItIsTimeAU: The Inside Story of Two Online Videos and the Five Days In-Between,” Focus Magazine 53:1 (hiver 2017): 16-21. https://d261v9hbk78yno.cloudfront.net/focusapp/pdf/2017-1.pdf.