Le concept de spiritualité est un élément indispensable de l’éducation adventiste. Les concepteurs du programme d’études de la Bible Encounter
ont montré sa centralité en plaçant dans son programme « une spiritualité authentiquement incarnée » et liée à « un concept dans lequel Dieu est omniprésent et permet de donner un sens, un but et un caractère à la vie de l’individu »1. L’étude de cas suivante explore comment la spiritualité étudiante s’est manifestée dans une école en réponse aux intentions des concepteurs du programme d’études et des enseignants de Bible.
Méthode de recherche
En 2017-2018, les auteurs se sont engagés dans une recherche qualitative afin de comprendre comment les enseignants dans les écoles adventistes australiennes enseignent le programme d’études de Bible ENCOUNTER. Le « Cadre de planification transformationnelle » de Lanelle Cobbin sous-tend ce programme d'études2. Cobbin a dirigé la rédaction des unités d’enseignement primaire, alors que Nina Atcheson a dirigé la rédaction des unités d’enseignement secondaire de ce programme d’études. Le processus a commencé en Nouvelle-Zélande, puis s'est étendu grâce à un effort de collaboration avec l'Australie en 2007, et enfin à l'éducation adventiste nord-américaine en 2014. En Australie, un comité de douze personnes a supervisé un processus de planification et de rédaction impliquant six rédacteurs et de nombreux groupes d’enseignants qui ont collectivement terminé la rédaction de cent trente-deux unités pour la première à la dixième année scolaire. Neuf localités à travers le monde utilisent désormais le programme d’études Encounter3.
Dans cette étude, les répondants comprenaient quarante-cinq groupes d’étudiants d’environ six étudiants chacun, dans des classes de la troisième à la dixième année sur les campus de douze écoles primaires et de dix établissements secondaires4. Nous avons utilisé une approche d’ « entretien avec un groupe de discussion » à l’aide d’une série de questions pour guider la discussion. Cependant ces questions pouvaient être adaptées pour nous permettre d’explorer des réponses intéressantes ou idiosyncratiques5. Les questions portaient sur les perceptions que les étudiants avaient de Encounter, du mot encounter (« rencontre ») lui-même, de la méthodologie d’enseignement, de l’engagement dans l’apprentissage, du contenu des unités et des aspects de la spiritualité.
Dans le cadre d'une approche par études de cas multiples, le cas individuel suivant discute des réponses à trois questions dans une des entrevues d’étudiants dans une école. Nous notons que la généralisation et le transfert des résultats ne sont pas des composantes essentielles du paradigme de l'étude de cas. Il cherche plutôt à dénicher des schémas de perception que les enseignants pourraient prendre en considération lors de la conception des expériences en classe. Dans le cas présent, nous avons interrogé un groupe de cinq étudiants de cinquième et sixième année (11 et 12 ans) choisis parmi deux classes. Leurs affiliations religieuses étaient adventistes, baptistes, chrétiennes sans dénomination, bouddhistes et hindoues. Ce genre de composition religieuse est typique de nombreuses écoles adventistes australiennes.
Revue de littérature
Il est difficile de définir le terme « spiritualité ». On la décrit souvent comme une cible mouvante6, mais aussi « insaisissable, diverse et parfois ambiguë »7. La spiritualité est insaisissable mais elle a en son centre le « sentiment vif d’une connexion »8.
De nombreuses études de la spiritualité de l’enfant la décrivent comme « du relationnel », l’essence de cette connexion étant « un sens intérieur d’une relation vivante avec une puissance supérieure »9. David Perrin a dans cette optique décrit la spiritualité comme étant « dépendante de la relation dynamique entre l’Esprit de Dieu et l’esprit humain »10.
La spiritualité est étroitement liée à la foi religieuse et souvent elle est confondue avec cette dernière. Alors qu’il faisait une revue de la littérature sur leur caractéristiques respectives, Hill11 a constaté que les deux concepts avaient beaucoup de choses en commun. Par exemple, toutes les deux incluent la confiance, la croyance, l’engagement, la connexion relationnelle, la priorité des valeurs, une recherche de sens, un désir de sentir la présence de Dieu, une quête de transcendance, la prière, la connaissance de Dieu dans l’expérience quotidienne et le service altruiste. Cependant, en dépit de ces points communs – et en accord avec la perspective de Rossiter12 – Hill conclut que les termes diffèrent dans leurs priorités. Il trouve que la foi religieuse est principalement orientée vers la confiance, la croyance, la connaissance de Dieu et la vision du monde. En même temps, la spiritualité penche vers l’identité spirituelle, le sens de la vie, le relationnel, la conscience de Dieu et la sensibilité spirituelle, éléments que la littérature sur la spiritualité enfantine récente a fréquemment explorés.
Il existe de sérieuses raisons d’expliciter la relation entre la foi et la spiritualité. Premièrement, comprendre l’évolution de la littérature sur la spiritualité peut aider à l’enseignement tant de la spiritualité que de la religion. Le domaine de la spiritualité s’est considérablement développé au cours des deux dernières décennies13 ce qui a, selon Miller14, établi la spiritualité de l’enfant comme une certitude relative. Contrairement aux études précédentes, la recherche récente a recueilli les perceptions des enfants quant à leur spiritualité sur le plan ethnographique, ce qui a donné lieu à une image émergente d’une spiritualité qui diffère de la perspective adulte et embrasse des besoins spirituels différents15. Deuxièmement, Tacey a expliqué comment la clarification aide les enseignants à mieux utiliser la spiritualité comme une passerelle pour développer la foi des étudiants, celle-ci pouvant à son tour ancrer la spiritualité des étudiants16.
Comme la spiritualité est complexe, les chercheurs ont tendance à décrire ses éléments ou thèmes plutôt que de les définir17. Par exemple, dans un examen approfondi de la littérature sur la spiritualité de la petite enfance, Adams, Bull et Maynes18 décrivent douze thèmes pour l’enfance intermédiaire : le caractère inné de la spiritualité, le relationnel, la connectivité en tant qu’aspect plus profond de la spiritualité, l’identité spirituelle, la recherche du sens et du but de la vie, la transcendance, un cheminement vers l’unité avec l’Autre (Dieu), l’expérience ici et maintenant de la spiritualité dans la vie quotidienne, la créativité et l’accomplissement, la sensibilité morale, l’admiration et l’émerveillement, et le côté plus sombre de la spiritualité. Nous allons maintenant discuter de neuf de ces thèmes.
Il semble que la qualité de l’amour, de l’intimité et de la confiance que les jeunes enfants ressentent dans leurs attachements relationnels à la famille ou à ceux qui s’occupent d’eux, façonne de manière significative le développement de leur foi. En discutant de l’impact possible du divorce sur ce cheminement de foi, Chris Keisling19 a cité les recherches bien connues de Granqvist et Kirkpatrick20 qui se sont appuyées sur la théorie de l’attachement pour signaler les relations importantes entre la qualité et les styles d’attachement dans l’enfance et leur influence sur les comportements de prière des enfants, leurs images de Dieu et leur attachement à Dieu.
Dans le cadre de l’attachement, le sentiment d'appartenance et de relation des enfants est également un élément essentiel de leur spiritualité. Les écrits de Parker Palmer21, David Hay et Rebecca Nye22, et de Ruth Wills23illustrent l’abondante littérature sur ce sujet. De nombreuses études examinent la version du relationnel de Hay et Nye, ce qu’ils appellent « la conscience relationnelle » croyant qu’elle était au cœur de la spiritualité de l’enfant24. Alors qu’elle analysait les données, Nye a réalisé que la « conscience relationnelle » est apparue comme un fil conducteur liant la spiritualité des enfants qu’elle interrogeait25. Elle décrit ce genre de conscience comme « un niveau inhabituel de conscience, quelque chose de distinctement réfléchi et qui faisait référence au sentiment de connexion à soi, aux autres, aux choses, au monde, et à Dieu que l’enfant avait »26.
Hay et Nye croient qu’intuition était synonyme de conscience, la décrivant comme une intuition globale qu’ont les enfants de la réalité et qui ressemble plus à « une sensibilisation sensorielle »27. De plus, ils ont élucidé trois types interreliés de sensibilité spirituelle qui contribuaient à cette intuition : détection de conscience, détection de mystère, détection de valeur28.
L’orientation relationnelle des enfants fusionne avec leur quête de transcendance celle-ci étant décrite comme « participant de manière significative et étant personnellement engagée dans le monde au-delà des limites personnelles d’un individu »29. Dans leurs tentatives de poursuivre le dépassement de soi, les enfants ont tendance à rechercher la présence de Dieu dans les hauts et les bas de la vie quotidienne, et ils expriment leur spiritualité comme étant des expériences ici et maintenant qui contrastent avec les approches de nombreux adultes30.
Diverses études explorent la relation des enfants avec Dieu comme un aspect de la transcendance. Par exemple, Mata-McMahon31 a révisé cinq études sur la construction du sens spirituel des enfants et de leurs relations avec Dieu, et elle note que dans une étude par Moore et coll.32, la prière est le thème le plus régulièrement discuté. Globalement, elle conclut que sans distinction de religion, « Dieu, et la relation de l’enfant à Dieu tendent à être très présents dans la petite enfance. Il a été systématiquement constaté que la spiritualité, et particulièrement la notion de Dieu, réconfortent et améliorent même le bien-être des enfants33. »
Un autre aspect de la spiritualité des enfants est leur quête de sens et de finalité34, cette quête étant facilitée par le développement du langage spirituel35 et des aspects du processus de communication qui créent du sens36. De plus, la création de sens est liée à la formation de l’identité spirituelle. Selon Gibbs, « la formation de l’identité a été clarifiée dans le cadre de multiples scénarios de connectivité relationnelle »37. On considère qu’une telle identité est un élément essentiel de la spiritualité car elle permet aux enfants de réfléchir à leur identité et de comprendre leur place et leur but dans le monde.
La spiritualité implique un processus de valorisation qui comprend la détection des valeurs et la hiérarchisation des valeurs de vie liées à ce que nous considérons comme sacré40. Hay et Nye41 citent Donaldson qui écrit sur la progression des gens « d’une émotion égocentrique à une expérience de valeur qui transcende les préoccupations personnelles ». La valorisation morale, les relations, et la quête de transcendance des enfants les amènent collectivement à exprimer un autre aspect de leur spiritualité, à savoir poser des actes de service altruiste, à contribuer au bien commun et à bien traiter les autres42.
Ayant esquissé un profil de recherche partiel de la spiritualité des enfants, nous nous tournons maintenant vers les interviews que nous avons eues avec eux. Les noms des étudiants sont fictifs pour protéger l’anonymat.
Discussion
Nous venions de poser notre question brise-glace : « Que pensez-vous du cours de Bible Encounter » ? et Georgia répond rapidement : « Encounter nous confronte fortement. J’aime ça car il faut aimer réfléchir sur soi-même, et vraiment c’est très intéressant. » En exprimant l’idée d’être confrontée, elle illustrait l’affirmation de Otto à savoir que l’expérience religieuse et spirituelle peuvent à la fois fasciner et attirer, troubler et choquer43. Compte tenu de notre analyse globale et du déballage des réponses de cette cohorte, nous croyons que Encounter a été très efficace pour confronter et stimuler la réflexion. En outre, son autoréflexion faisait preuve d'une conscience réfléchie plus élevée qui aide à favoriser la spiritualité.
Stephen a renchéri avec une observation similaire : « C’est très intéressant. On dirait que ça fait partie de notre vie, et parfois ça nous aide à nous remettre d’une maladie, ou de n'importe quoi d'autre, ou d'un moment de déprime. » Ses perceptions non seulement étaient positives concernant le programme de Bible Encounter mais elles indiquaient aussi que la spiritualité des enfants s’exprime dans le contexte des expériences de leur vie quotidienne – y compris les hauts et les bas et les luttes de la vie quotidienne dans leur monde social.
La réponse suivante est de Chloé : « Heu… comme je ne suis pas chrétienne, je n’ai pas appris ces choses dans le passé. Je suis nouvelle, mais je pense que c’est bon d’apprendre cela et ce que Dieu dit. » Bien que Chloé ne soit pas chrétienne, elle était quand même ouverte et prête à apprendre sur Dieu et elle était positive sur le cours de Bible Encounter. Pendant sa fréquentation de cette école, son ouverture et son désir d’apprendre ont été une passerelle pour trouver sa véritable identité et le sens de sa vie.
Sarah a révélé son héritage religieux en disant : « Je suis chrétienne, adventiste du septième jour. Je raffole d’Encounter car c’est un temps juste pour moi afin, vous comprenez, de bâtir ma relation avec Dieu, sentir son réconfort, et vous savez, je sens qu’Il est là pour moi. » En affirmant son assurance et son réconfort à sentir la proximité de Dieu et à construire consciemment sa relation avec Dieu, Sarah a démontré le noyau relationnel de sa spiritualité.
Finalement, Daniel a conclu : « C’est formidable d’apprendre de nouvelles choses sur Dieu et les choses qu’Il a faites. » Dans toutes les entrevues, à tous les niveaux de scolarité, le thème courant était l’amour d’apprendre de nouveaux aperçus de la Bible. Cela fait partie de leur soif de sens profond, ceci étant un élément de la spiritualité.
Ces étudiants, en plus de montrer de l’intérêt et du plaisir pour ces cours de Bible Encounter, avaient déjà commencé à révéler leur spiritualité de diverses manières en répondant simplement à une question lui étant indirectement reliée.
Notre deuxième question était : « Le cours de Bible Encounter vous aide-t-il à penser à votre vie ? » Chloé a commencé en associant l’expérience de sa journée à un verset biblique à mémoriser : « Oui, parce que parfois nous cherchons des versets bibliques, et pour notre devoir nous avons un verset à mémoriser. Et quand je vais dormir, avant d’aller me coucher, je révise toujours ma journée, et alors je me souviens du verset biblique. Oh ! j’aurais pu faire cela au lieu de ça. Pourquoi ai-je fait une telle chose ? »
La propension à réfléchir à l’expérience d’une journée est spirituelle. Dans le processus d’intégrer la signification d’un verset biblique dans son expérience, Chloé a montré le genre de conscience de soi réfléchie qui engage son sens de la responsabilité spirituelle et son ouverture à l'amélioration. Une telle réflexion accède et engendre à la fois une conscience spirituelle supérieure.
Daniel a ensuite montré une approche de la Bible à travers le prisme de l’histoire. « Vraiment, je pense profondément à la vie. Les cours de Bible me font réfléchir plus profondément encore ce qui m’ouvre à beaucoup d’autres idées, expériences et choses semblables… à d’autres idées de l’histoire, de ce qui vient et de ce qui a disparu. » Cette réponse était spirituelle dans ce sens qu’il ne pensait pas seulement à comprendre sa vie à travers un cadre historique mais qu’il chérissait aussi la diversité des nouvelles idées et expériences dans la Bible comme faisant partie d'une construction de sens plus profonde. Et sa maîtrise linguistique a contribué à aiguiser sa perception spirituelle.
Georgia a trouvé que l’émotion et le sens de la musique du cours de Bible Encounter étaient profondément émouvants. Avec ses mots, elle nous a dit : « Ouais, vraiment, je pense beaucoup à la vie. Certains passages des sujets bibliques sont vraiment un tête-à-tête avec Dieu. Et puis, il y a des chants que l’enseignant va jouer sur l’écran et vous aurez les paroles avec vous, et juste ces mots dans la chanson. Ils sont vraiment touchants et vous sentez vraiment que Dieu vous parle en ces instants. Et si vous avez une mauvaise journée, ils vous aideront vraiment à voir la vie sous un autre angle, et vous réalisez que vous pouvez arranger les choses, et que Dieu est toujours avec vous. » Là, Georgia aborde fortement le domaine relationnel de la spiritualité (un tête-à-tête avec Dieu). Premièrement, elle a fait preuve de sensibilité émotionnelle et de valorisation en étant émue en explorant des paroles de chants. Puis, son émotion a motivé son allusion à la proximité de Dieu et même à une expression de complicité qui avait un ressenti d’intimité et de transcendance. L’assurance de sa connexion avec Dieu s’est déplacée sur ses luttes personnelles et a changé sa façon de les gérer. Ce processus spirituel au complet a montré un sens soutenu de la présence de Dieu qui lui a permis d’avoir le sentiment de contrôler certaines des difficultés dans sa vie.
Ensuite, Stephen a réfléchi à sa lutte spirituelle. « Alors oui, je sais, le cours de Bible Encounter m’a réellement aidé à travers des périodes difficiles. Par exemple, quand mon père a été malade j’ai vraiment prié, ce que je n’avais pas l’habitude de faire. Oui, cela m’a beaucoup aidé à passer à travers. » Pour nous qui sommes immergés dans les réponses des enfants, nous avons tendance à croire que l’aveu qu’ils ont des difficultés est spirituellement authentique. La littérature44 a établi que l'expansion de la spiritualité des enfants peut impliquer les dilemmes de la vie, les luttes intérieures, les conflits et le travail mental difficile. En outre, Stephen a opéré un changement de vie significatif qui pourrait signaler l’influence du Saint Esprit dans sa vie.
Après Stephen, Sarah nous a parlé de trois aspects de ses réflexions sur la vie. « Le cours de Bible Encounter sans aucun doute me fait réfléchir profondément à mon but dans la vie. Il me fait juste réfléchir profondément à des choses auxquelles je n’ai pas encore porté attention, comme des questions auxquelles je n’ai pas encore répondu, et particulièrement quand ma grand-mère était à l’hôpital… Je priais, et priais, et priais et en fait elle allait mieux… Aussi, chaque soir avant d’aller au lit, j’ouvre ma Bible et je regarde un verset à mémoriser… ou ce livre biblique que je lis. »
La réponse de Sarah illustrait la présence de la spiritualité dans chaque aspect de son expérience. La recherche de sens et de but dans sa vie était spirituelle, tout comme sa sensibilité face au mystère de la vie. Hay et Nye appelleraient ça la détection des mystères45. Sa prière et la conviction de son exaucement comme preuve de l’intervention divine étaient toutes les deux spirituelles. Finalement, réviser l’expérience de la journée en lien avec la signification d’un verset biblique était aussi spirituelle, ce que nous avons déjà relevé chez Chloé.
Notre troisième question, la plus difficile et la plus probante était : « Que signifie être spirituel ? » Daniel a eu une minute de réflexion puis il a déclaré : « Il ne s’agit pas seulement d’être – vous savez, je suis un chrétien, et je vais apprendre tout ce qu’il faut apprendre à ce sujet. C’est plus d’aller au fond des choses et d’avoir une relation avec Dieu, donc obtenir une connexion, avoir une connexion là. Ouais, c’est plus, c’est quelque chose de plus. » Pour Daniel la spiritualité était entièrement au sujet de sa relation avec Dieu. Sa spiritualité relationnelle exigeait de la profondeur au sens où il fallait se concentrer intensément sur Dieu, faire un effort, mépriser la superficialité de se contenter d’apprendre des choses sur le christianisme et afficher une identité chrétienne. L’usage du mot « connexion » a également été répété de nombreuses fois dans d’autres écoles par les étudiants, de tous les niveaux, que nous avons sondés.
Chloé a ajouté son grain de sel : « J’aime vraiment ce qu’il a dit, c’est tellement vrai. C’est vraiment comme ça… Tu ne peux pas dire « oh, non, je vais juste faire autre chose. Pour le moment, je joue au plus récent jeu vidéo ». Non, il faut mettre de côté nos priorités et nos distractions et s’investir à fond. Tu dois vraiment t'engager dans quelque chose pour être spirituel. » Cette description de la spiritualité a présenté un autre angle, soit d’éviter la superficialité, l’angle d’un engagement profond (« s’investir à fond »). En tant qu’élément de la foi humaine, l’engagement déborde également sur la spiritualité dans l'esprit des étudiants.
Georgia s’est fait l’écho des sentiments de ses deux camarades de classe. « Oui, être spirituel, ce n’est pas comme aller à l’école tous les jours et en savoir plus sur la Bible. Ça, ça ne vous rend pas spirituel. Il faut approfondir la question, vraiment aimer prier, et il faut parler à Dieu, et il faut lui faire des requêtes, et des choses comme ça. Il faut avoir cette relation avec Dieu. » Le thème sur le fait d’approfondir, d’éviter la superficialité, s’est perpétué dans ce troisième rapport relationnel. Mais là, il a été lié à la prière comme l'aspect conversationnel, communicationnel de la relation spirituelle.
Sarah nous a ensuite fait participer à la nature. « Bien, mes grands-parents sont très spirituels. Ils remarquent les plus petites choses qui sont belles. Ils peuvent indiquer cette pierre polie et dire : « Oh, tu peux peindre là-dessus, tu peux faire un magnifique motif… Pour moi, je ne sais pas, mais c’est vraiment étonnant. » Dans l’affirmation enthousiaste de la spiritualité de ses grands-parents, Sarah a manifesté deux aspects de sa propre spiritualité. Le premier était son étroit attachement à ses grands-parents, et le deuxième était son utilisation d’un cadre esthétique pour exprimer sa connexion sensorielle à la beauté dans la nature.
Finalement, les réflexions de Stephen ont porté sur la relation entre la spiritualité chrétienne et non chrétienne. « Je crois que la spiritualité est en rapport avec le christianisme, mais pas toujours, pas dans tous les contextes. On peut être spirituel dans d’autres religions. Ouais, il y a beaucoup d’autres façons. Ce n’est pas seulement quelque chose de chrétien. C’est donc une question difficile. » Stephen soulevait une question sur la relation entre la foi chrétienne et la spiritualité, et par conséquent sur le défi pour le cours de Bible Encounter d’enseigner la foi et la spiritualité dans des classes où les adventistes sont minoritaires. Ses observations nous ont rappelé que nous sommes au 21e siècle, une époque qui, selon Tacey, connaît une révolution spirituelle dans laquelle « notre scène sociale est pleine à craquer de spiritualités individuelles et ésotériques »46.
Conclusion
Une entrevue de 40 minutes avec un groupe de cinq étudiants nous en a révélé beaucoup sur la spiritualité. Nous avons pu ainsi confirmer les points de vue d’autres étudiants d'autres écoles à travers l’Australie. De plus, les qualités de la spiritualité exposée trouvaient un écho dans la littérature actuelle sur la spiritualité des enfants. Mais plus important encore, le cours de Bible Encounter faisait ce qu’il fallait pour ces cinq étudiants.
Rebecca Nye47 a fait remarquer qu’il y a un continuum dans la façon dont les enfants, partout, expriment leur spiritualité. Au premier niveau, le plus élémentaire, ils font référence aux « premières questions » ou aux principes de base. Ensuite, ils commencent à parler de religion et font des associations conscientes avec des traditions religieuses. Finalement, ils dévoilent des notions religieuses qui expriment leur expérience de la spiritualité directement. Les étudiants interrogés correspondaient clairement à la troisième catégorie. Pour ce groupe, et en fait pour chaque groupe que nous avons interviewé, le cours de Bible Encounter leur donnait un avantage pour la vie spirituelle et un bien-être spirituel.
Pour finir, la présence dans les écoles adventistes australiennes de nombreux élèves appartenant à d’autres confessions ou sans confession, pose un défi. Quand nous avons demandé à ce groupe s’ils appréciaient être en classe avec des élèves d’autres confessions, les réponses ont été vives et unanimes. Tous les étudiants respectaient les autres opinions et visions du monde, en ces termes : « Certes, nous les respectons ; nous ne nous rabaissons pas les uns les autres » et « Je trouve que l’on met vraiment de côté nos différences là où il y a la Bible. » La valorisation de la comparaison qui invite à l'ouverture à la différence, à la divergence et à la nouveauté, révèle une recherche de sens différente qui caractérise désormais la spiritualité des enfants.
Cet article a été revu par des pairs.
Référence recommandée :
Barry Hill et Phil Fitzsimmons, Cinq étudiants du programme d’études adventiste Encounter nous font part de leur spiritualité, Revue d’éducation adventiste, n°60.
NOTES ET RÉFÉRENCES
- Lanelle Cobbin. “Holistic Religious Education: Toward a More Transparent Pathway From Philosophy to Practice.” Thèse de spécialisation non publiée de la maîtrise en éducation, Avondale College, 2010, 45.
- _______, “The Transformational Planning Framework: A Pathway to Holistic Biblical Teaching,” TEACH Journal of Christian Education, 5:1 (2011): 10-15: https://research.avondale.edu.au/teach/vol5/iss1/4; North American Division, “Transformational Planning Framework” (n.d.): https://encounter.adventisteducation.org/structure.html.
- Plusieurs endroits dans le monde ont adopté et adapté les principes du programme de Bible Encounter pour développer leurs propres séries d'études bibliques, notamment la Division nord-américaine, la Division interaméricaine, ainsi que des écoles adventistes du septième jour au Canada, en Angleterre et en Asie du Sud-Est. Pour plus, voir Barry Hill et coll., “A Decade of Encounter Biblical Studies,” TEACH 14:1 (2020): 44-52. https://research.avondale.edu.au/cgi/viewcontent.cgi?article=1440&context=teach.
- Ibid.
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- Hay et Nye, The Spirit of the Child, 74.
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- Hay et Nye, The Spirit of the Child.